Des protéines synthétiques pour réécrire l’information génétique des organites des plantes
L’édition de l’ARN, un processus qui permet la modification de l’ARN après sa production à partir de l’ADN génomique, est un processus clé pour l’expression des gènes dans les mitochondries et les chloroplastes des plantes. Dans une étude publiée dans Nucleic Acids Research, des scientifiques ont développé des protéines synthétiques capables de guider spécifiquement l’édition de l’ARN dans ces organites. En reprogrammant ce mécanisme naturel, cette approche ouvre de nouvelles perspectives pour la biologie synthétique et l’amélioration des plantes.
Les protéines PPR synthétiques : un outil pour réécrire les séquences d’ARN
L’édition de l’ARN est un processus naturel qui modifie l’ARN après sa transcription, c’est-à-dire après qu’il ait été produit à partir de l’ADN. Chez les plantes, cette modification est essentielle dans les chloroplastes et les mitochondries pour que les protéines fonctionnent correctement. La précision de ce mécanisme est assurée par des protéines de liaison à l’ARN appelées PPR pour Pentatricopeptide repeat. Elles guident les enzymes permettant l’édition vers des bases cibles de l’ARN. Cependant, ces protéines PPR ne sont pas très flexibles et ne peuvent pas être facilement modifiées pour cibler des parties précises de l’ADN.
Dans une étude publiée dans la revue Nucleic Acids Research, des scientifiques ont utilisé des protéines PPR synthétiques, capables d’être programmées pour cibler des sites spécifiques d’ARN dans les mitochondries et les chloroplastes des plantes. Contrairement aux facteurs d'édition naturels, qui ont une spécificité fixe, ces protéines reprogrammables (dPPRe) peuvent être ajustées pour reconnaître n’importe quelle séquence d’ARN.
Une application prometteuse en biotechnologie des plantes
Pour y parvenir, les scientifiques ont combiné différents domaines de la protéine PPR capable de se lier sur des séquences précises d’ARN, avec une enzyme capable de modifier l’une des bases composant l’ARN, la cytidine, en une autre base, l’uridine. Ils peuvent ainsi modifier la séquence de l’ARN et induire des mutations contrôlées. Grâce à cette technologie, ils ont pu induire des modifications spécifiques d’ARN cibles dans les organites d’une plante modèle : Nicotiana benthamiana et ont obtenu des taux d'édition remarquables.
L’une des avancées majeures de ce travail réside dans la capacité de reprogrammer les protéines PPR, pour cibler une grande variété de séquences d'ARN. Cela ouvre la voie à de nombreuses modifications, comme la modification ciblée de gènes, l’amélioration des cultures végétales et la production de protéines dans les organites des plantes.
En résumé, cette approche basée sur des protéines PPR synthétiques permet de réécrire de manière précise l’information génétique dans les plantes, avec des implications importantes pour la biotechnologie et l’agriculture durable.

Figure : Conception des éditeurs à ARN. Des motifs PPR synthétiques sont assemblés afin de créer un guide protéique capable de reconnaître et fixer une séquence ARN cible. La spécificité de liaison aux bases ARN A, U, G, C est possible grâce à un code de reconnaissance qui implique deux acides aminés dans chaque motif PPR-P. Une séquence d’adressage à l’organite (MTP ou CTP) est fusionnée en N-terminale du guide et un domaine cytidine désaminase (E1-E2-DYW) provenant de la mousse (P. patens) en C-terminale. L’expression de ces éditeurs dans les plantes permet de modifier des cytidines en uridines dans les séquences ARN cibles dans les organites.
En savoir plus : Mathieu S, Lesch E, Garcia S, Graindorge S, Schallenberg-Rüdinger M, Hammani K. De novo RNA base editing in plant organelles with engineered synthetic P-type PPR editing factors. Nucleic Acids Res. 2025 Apr 10;53(7):gkaf279. https://doi.org/10.1093/nar/gkaf279. PMID: 40207624; PMCID: PMC11983096.
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Laboratoire
Institut de biologie moléculaire des plantes - IBMP (CNRS)
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