Des neurones spécifiques qui codent la perception des visages
Cette étude, parue dans la revue PNAS, montre qu’une petite région du cerveau des primates dans le cortex orbitofrontal contient des neurones dont l’activité discrimine les traits de visages selon leur classe démographique et leur expression. Ces résultats identifient un nouveau mécanisme neuronal de support des interactions sociales dans une région impliquée dans les processus décisionnels.
Notre capacité à catégoriser des inconnus, en fonctions de leur âge, leur genre et leur état émotionnel sous-tend les interactions sociales que nous avons au quotidien dans des situations multiples. Des études ont montré que des aires cérébrales dans les cortex occipital et temporaux permettent d’identifier des individus grâce aux traits de leurs visages. Mais en plus de ces aires cérébrales, des réponses sélectives aux visages ont été décrites dans le cortex orbitofrontal sans que l’on comprenne leur fonction. Le cortex orbitofrontal est décrit pour être impliqué dans le codage de la récompense, des décisions. Il était également connu que des lésions de ce cortex induisent des comportements sociaux inappropriés, mais le rôle des neurones de cette région dans la reconnaissance des visages restait mal connu.
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont effectué des enregistrements neuronaux chez le macaque rhésus, qui est le modèle expérimental le plus proche de l’homme. Ils ont identifié la nature des réponses grâce à des électrodes indolores qui captent l’activité électrique de neurones individuels, pendant que le singe regarde des photos de visages de ses congénères. Le set de photographies est composé de photos de visages de singes juvéniles, âgés, mâles, femelles avec des expressions faciales neutres ou non.
Les résultats démontrent que certains neurones discriminent plutôt les expressions faciales menaçantes des expressions neutres, d'autres neurones plutôt la catégorie démographique à laquelle appartiennent les visages (mâles/femelles, singes jeunes/singes âgés). De plus, la présentation de photos de jeunes singe induit un signal plus fort que pour les autres photos, suggérant que ceux-ci sont traités de façon prioritaire.
Ainsi, en utilisant la grille de lecture fournie par ces neurones, il est possible de déterminer l’âge, le sexe mais aussi probablement l’émotion d’un visage. La mise en évidence de cette spécialisation fine dans le cortex orbitofrontal nous renseigne sur les mécanismes neuronaux par lesquels les informations sociales sont représentées dans une région dont les lésions sont connues pour engendrer des troubles sociaux du comportement. On sait désormais que cette petite région assume probablement des fonctions sociales essentielles, grâce à des neurones qui sont sensibles à des traits du visage qui définissent les catégories sociales. Ces résultats permettent donc d'identifier des cibles anatomiques qui peuvent intervenir lors de comportements sociaux pathologiques dans lesquels la catégorie sociale, ou les émotions ne sont pas reconnues.

© Sylvia Wirth
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Face cells in the orbitofrontal cortex represent social categories.
Barat E. Wirth S, Duhamel JR.
PNAS published ahead of print Nov 5th, 2018.
https://doi.org/10.1073/pnas.1806165115