Des cellules somatiques spécifiques contrôlent la formation de la lignée germinale

Résultats scientifiques Développement, évolution

La mise en place de l’axe antéro-postérieur et la formation des cellules germinales de l'embryon sont déterminées, chez la drosophile, dans l'ovocyte. Dans une étude publiée dans Nature Communications des scientifiques démontrent que des cellules somatiques particulières contrôlent ces processus en maintenant un contact étroit avec l'ovocyte. Des similitudes avec ce qui est observé chez d’autres espèces, dont l’homme, suggèrent que ce mécanisme est sans doute conservé au cours de l’évolution.

Les animaux bilatériens sont caractérisés par trois axes de polarité : droite-gauche, dorso-ventral et antéro-postérieur. La mise en place de ces axes est essentielle au développement des embryons et doit être finement régulée pour assurer la viabilité du futur adulte. Ainsi, de nombreuses recherches sont menées afin de décrire précisément les processus cruciaux permettant de définir ces axes. Il existe deux types de cellules chez les animaux utilisant la reproduction sexuée, les cellules germinales donnant les gamètes, et toutes les autres cellules qui sont qualifiées de somatiques. Chez la drosophile, l’axe antéro-postérieur s’établit avant même la fécondation, dès la formation de l’ovocyte, le gamète des femelles, en particulier grâce à la localisation spécifique de l’ARN messager oskar. Cet évènement régit également la formation des cellules germinales du futur embryon.

Quelques cellules folliculaires maintiennent un contact étroit avec l’ovocyte.
 

Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, des scientifiques ont identifié, parmi les cellules folliculaires somatiques entourant l’ovocyte, une nouvelle population qui contrôle à distance le transport de l’ARNm oskar au pôle postérieur de l’ovocyte au cours de son développement. Ces cellules, qu’ils ont appelées PAC (posterior anchoring cells), expriment des gènes spécifiques qui vont leur conférer la capacité exclusive à maintenir un contact étroit avec l’ovocyte sous-jacent, alors qu’un espace apparaît entre les autres cellules folliculaires et l’ovocyte. En utilisant la microscopie à fluorescence ainsi que la microscopie électronique, les scientifiques ont révélé la présence, à la surface des PAC, d’excroissances composées d’actine, appelées filopodes, qui pénètrent à l’intérieur de l’ovocyte, permettant ainsi de maintenir ce contact qui est nécessaire au transport de l’ARNm oskar.

Ces cellules sont déterminantes pour la formation de la lignée germinale.
 

En outre, les scientifiques ont découvert que les PAC permettaient de restreindre l’ancrage de cet ARNm à une zone précise de l’ovocyte, ce qui va déterminer la formation du nombre adéquat de cellules germinales chez le futur embryon, assurant le succès reproductif de l’espèce. Ce travail permet de résoudre en partie une énigme vieille de 30 ans puisque, si l’on savait que l’épithélium folliculaire envoyait un signal de nature inconnu à l’ovocyte, on ignorait jusqu’à présent que des cellules en particulier permettaient un contact étroit avec l’ovocyte et que c’était ce contact qui était requis pour la mise en place de l’axe antéro-postérieur et la formation correcte de la lignée germinale du futur embryon. De manière intéressante, des protrusions d’actine ont également été observées à l’interface entre les cellules folliculaires et l’ovocyte de nombreuses espèces, dont l’homme, ce qui suggère une conservation de ce processus de communication entre cellules somatiques et germinales au cours de l’évolution.

© Charlotte Mallart et Marianne Malartre

Figure : Une population de cellules somatiques contrôle le transport de l’ARNm oskar (magenta), un déterminant de la lignée germinale, qui peut uniquement s’ancrer dans la région postérieure du cortex de l’ovocyte qui se trouve en contact étroit avec ces cellules. Les noyaux sont en jaune (Dapi) et l’actine, qui délimite le contour des cellules, en cyan (Phalloïdine).

En savoir plus : Mallart, C., Netter, S., Chalvet, F. et al. JAK-STAT-dependent contact between follicle cells and the oocyte controls Drosophila anterior-posterior polarity and germline development. Nat Commun 15, 1627 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-024-45963-z

Contact

Marianne Malartre
Maître de conférences

Laboratoire

Institut de biologie intégrative de la cellule - I2BC (CNRS/CEA/Université Paris-Saclay)
1 avenue de la Terrasse, bâtiment 21
91190 Gif-sur-Yvette