Des bactéries marines pionnières de la dégradation de macroalgues fraîches

Résultats scientifiques Biologie végétale

Les macroalgues sont des producteurs de matière organique majeurs des zones côtières. Les scientifiques se sont intéressés aux stratégies mises en œuvre par une bactérie marine pour attaquer des tissus de macroalgues fraîches et initier leur dégradation. La compréhension de ces mécanismes de dégradation offre des outils prometteurs en vue d’optimiser les processus de transformation de la biomasse algale. Ces travaux sont publiés dans la revue the ISME Journal.

A l’instar des plantes terrestres, les macroalgues sont des organismes produisant de la matière organique via la photosynthèse et sont ainsi à la base des chaines alimentaires. Elles forment un ruban continu le long des littoraux qui, en termes de superficie et de productivité, est comparable à la forêt amazonienne. Les dégradation et réinjection vers les niveaux trophiques supérieurs de ce stock considérable de matière organique sont principalement opérées par les bactéries marines hétérotrophes. Cependant, et contrairement à l’utilisation de composés algaux purifiés, les mécanismes bactériens régissant la dégradation d’algues intactes telles qu’on les trouve dans la nature restent encore méconnus à ce jour.

Les scientifiques ont commencé à lever le voile sur les stratégies employées par la bactérie Zobellia galactanivorans pour l’utilisation d’algues fraîches. Z. galactanivorans a été cultivée en microcosmes avec comme seule source de carbone des morceaux de tissus de trois algues brunes différentes (Laminaria digitata, Fucus serratus et Ascophyllum nodosum) récoltées directement sur l’estran de Roscoff.  Les résultats démontrent le comportement pionnier de Z. galactanivorans par sa capacité à initier l’attaque des tissus des trois espèces d'algues testées. Des signes de dégradation prononcés sont même rapidement visibles avec les tissus de laminaires. Le contact physique entre les bactéries et les algues cibles n'est pas nécessaire pour observer une décomposition, révélant le rôle clé des enzymes extracellulaires dans les premières étapes de la dégradation. Les nouvelles niches écologiques exposées par ces enzymes sécrétées pourraient supporter la croissance d’autres communautés moins spécialisées qui agiraient de manière opportuniste. En effet, il a été montré lors expériences de co-cultures qu’une souche du genre Tenacibaculum n’était capable de se multiplier à partir de tissus algaux qu’en présence de Z. galactanivorans.

L’étude du niveau d’expression des gènes de Z. galactanivorans a permis de mettre en évidence des voies métaboliques peu caractérisées spécifiquement induites lors de l’utilisation d’algues fraîches. En particulier, il semble que certains groupes de gènes dédiés à l’utilisation de polysaccharides algaux spécifiques aient un rôle crucial, tout comme le système de sécrétion de type IX et des mécanismes de réponse au stress causé par les défenses de l’algue.

Cette étude fournit de premières informations sur les stratégies de dégradation bactérienne de la biomasse algale fraîche. Elle ouvre ainsi la voie au développement de procédés de prétraitement biologiques de cette biomasse pour la production de molécules à haute valeur ajoutée, qui constituent des alternatives moins énergivores aux procédés physico-chimiques déjà existants.

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© Maéva Brunet

Figure : Croissance de Z. galactanivorans à partir de morceaux de laminaires. Des photos de la dégradation prononcée des tissues d’algues en présence de Z. galactanivorans sont montrées à droite.

Pour en savoir plus :
Consuming fresh macroalgae induces specific catabolic pathways, stress reactions and Type IX secretion in marine flavobacterial pioneer degraders
Maéva Brunet, Nolwen Le Duff, Tristan Barbeyron, François Thomas 
The ISME Journal 19 mai 2022 DOI: 10.1038/s41396-022-01251-6

Contact

François Thomas
Chercheur CNRS au Laboratoire de biologie intégrative des modèles marins (CNRS/Sorbonne Université)

Laboratoire

Laboratoire de biologie intégrative des modèles marins (CNRS/Sorbonne Université)
Station Biologique de Roscoff
Place George Teissier
29680 Roscoff