De nouveaux récepteurs du glutamate dans le cerveau

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Le glutamate est le transmetteur de la plupart des synapses excitatrices et agit sur des récepteurs-canaux en quelques milli-secondes. Le glutamate agit aussi sur des récepteurs à action plus lente qui régulent de nombreuses synapses, et représentent des cibles pour de nouveaux médicaments. On connait huit récepteurs de ce type, constitués de 2 entités identiques. Les scientifiques viennent de montrer qu'il existe aussi des récepteurs constitués de deux entités différentes, révélant l'existence de 16 nouveaux récepteurs aux propriétés spécifiques. Ces résultats sont présentés dans la revue Nature Chemical Biology.

Le glutamate est connu pour son action gustative à l'origine de la saveur "umami". Cet acide aminé est aussi le principal neurotransmetteur dans notre cerveau utilisé par plus de trois quarts des synapses. Le glutamate active des canaux ioniques responsables de la transmission excitatrice rapide. Par exemple, il permet l’analyse extrêmement rapide d’une information visuelle, qui mènera à un mouvement essentiel en deux dixièmes de seconde. Ces propriétés excitatrices peuvent, en cas d'excès, conduire à des crises épileptiques, voire à une toxicité des neurones. Heureusement, des processus permettent de limiter un excès d'activité des synapses excitatrices. Un des plus important est l’action du glutamate sur des récepteurs régulateurs, appelés récepteurs métabotropiques ou mGlu, qui transmettent leur signalisation dans la cellule via des voies métaboliques. Ces récepteurs mGlu mesurent le glutamate ambiant et régulent l'activité de nombreuses synapses. Ces récepteurs ont été découverts il y a presque 40 ans, et les années 90 ont révélé huit gènes codant pour ces récepteurs. Ces récepteurs sont composés de deux sous-unités qui bougent l'une par rapport à l'autre quand le glutamate s'y fixe, conduisant à la transmission de l'information à l'intérieur de la cellule. Depuis cette découverte, ils étaient considérés comme étant constitués de deux sous-unités identiques.

Mais en 2011, les scientifiques ont démontré que des récepteurs mGlu pouvaient être composés de deux sous unités différentes, avec des compositions spécifiques, et des propriétés fonctionnelles particulières. Ces données suggéraient l'existence de 16 récepteurs mGlu supplémentaires hétérodimériques, dont l’une des structures a été résolue. Enfin, des évidences fonctionnelles de leur existence au niveau de certaines synapses ont pu être apportées. Mais il restait à démontrer leur existence dans le cerveau.

En collaboration avec une équipe chinoise, les scientifiques  viennent de démontrer la présence de l’hétérodimère mGlu2-4 dans les différentes régions du cerveau chez la souris. Ils ont développé une approche basée sur la mesure d’un signal lumineux lié à la proximité entre deux anticorps innovants appelés nanocorps, l’un dirigé contre mGlu2 et l’autre contre mGlu4. Développés chez le lama, ces nanocorps sont 10 fois plus petits qu'un anticorps classique. Cette approche a permis de quantifier les sous-unités mGlu2 et mGlu4 sous la forme d’homodimères et d’hétérodimères dans le cerveau. Ces résultats montrent qu'il y a plus de récepteurs hétérodimériques mGlu2-4 que de récepteurs mGlu4-4 dans le cerveau, excepté dans le cervelet.

Ces données démontrent sans équivoque l'existence de récepteurs mGlu constitués de deux sous-unités différentes, ce qui renforce l'idée qu'il y a plus de sous-types de récepteurs mGlu que l'on pensait. Cela ouvre donc la possibilité de cibler plus spécifiquement certaines synapses et d'avoir des actions thérapeutiques plus précises. Ces récepteurs mGlu hétérodimériques représentent donc de nouvelles cibles potentielles. Ils ouvrent de nouvelles pistes de recherche pour les maladies neurologiques et psychiatriques dans lesquelles les récepteurs mGlu jouent un rôle important. La voie est ouverte pour la recherche de nouvelles molécules pouvant agir spécifiquement sur ces nouveaux récepteurs mGlu.

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© Philippe Rondard & Jean-Philippe Pin
Figure : De nouveaux récepteurs métabotropiques du glutamate formés de deux entités différentes (hétérodimères), mGlu2 et mGlu4, viennent d’être découverts dans le cerveau chez la souris. Cette découverte laisse supposer que d’autres récepteurs mGlu hétérodimères existent dans le cerveau en plus des 8 récepteurs mGlu homodimères (1 à 8) déjà connus (a). Les hétérodimères mGlu2-4 ont été détectés par la mesure d’un signal lumineux lié à la proximité entre deux anticorps innovants appelés nanocorps, l’un dirigé contre mGlu2 et l’autre contre mGlu4 (b). L’étude montre qu’il y a plus de récepteurs hétérodimériques mGlu2-4 que de récepteurs mGlu4-4 dans le cerveau, excepté dans le cervelet (c).

Pour en savoir plus :
Nanobody-based sensors reveal a high
proportion of mGlu heterodimers in the brain.
Meng J, Xu C, Lafon P-A, Roux S, Mathieu M, Zhou R, Scholler P, Blanc E, Becker JAJ, Le Merrer J, Gonzalez-Maeso J, Chames P, Liu J, Pin J-P, Rondard P
Nature Chemical Biology. 9 juin 2022. DOI 10.1038/s41589-022-01050-2

Contact

Philippe Rondard
chercheur Inserm à l'Institut de génomique fonctionnelle (Université de Montpellier/CNRS/Inserm)

Laboratoire

Institut de génomique fonctionnelle (Univ Montpellier/CNRS/Inserm)
141, rue de la Cardonille

4094 Montpellier cedex 5