Dans les coulisses génétiques de la résistance bactérienne
Dans un article publié dans Nature Communications, des scientifiques ont pu identifier, chez la bactérie Escherichia coli, les facteurs moléculaires responsables de la propagation de la résistance aux carbapénèmes, les antibiotiques de « dernier recours ».
Quand les plasmides propagent la résistance
L’un des plus grands défis de la santé publique actuelle est la propagation de bactéries résistantes aux antibiotiques dits de « dernier recours », comme les carbapénèmes. Certaines bactéries deviennent insensibles à ceux-ci, en hébergeant un petit morceau d’ADN mobile, appelé plasmide, capable de se transmettre d’une bactérie à l’autre.
Parmi eux, le plasmide pOXA-48 est particulièrement préoccupant : il véhicule des résistances chez des bactéries responsables d’infections hospitalières graves comme Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Mais comment parvient-il à se maintenir dans les bactéries et à se transmettre si efficacement ?
Les secrets du plasmide pOXA-48
Dans un article publié dans la revue Nature Communications, des scientifiques montrent les résultats obtenus après un criblage génétique à grande échelle pour identifier, gène par gène, ce qui rend ce plasmide si efficace pour se maintenir et se propager. Ils ont découvert plusieurs éléments clés :
- Un nouveau système « toxine-antitoxine ». Ce duo fonctionne comme une forme d’addiction génétique : tant que le plasmide est présent, la cellule produit à la fois une toxine et son antidote. Si le plasmide est perdu, l’antidote disparaît, la toxine s’active et tue la bactérie. Ce mécanisme implacable garantit que seules les bactéries conservant le plasmide survivent, assurant sa propagation au sein de la population.
 - Des régulateurs qui contrôlent la stabilité et le transfert. Comparables à des « interrupteurs », ils pilotent l’expression de gènes clés. Ces régulateurs jouent un rôle central pour équilibrer la charge imposée par le plasmide et éviter qu’il ne devienne trop coûteux pour la cellule. Grâce à ces contrôles fins, le plasmide réussit à rester viable dans des bactéries très diverses, augmentant ses chances de se transmettre à de nouveaux hôtes.
 - Le nombre de copies : plus il y en a, plus la dissémination de résistance augmente. L’étude met en évidence une relation directe entre le nombre de copies du plasmide dans une cellule et sa capacité à se transmettre. Lorsqu’une mutation empêche un gène régulateur de limiter ce nombre, les bactéries se retrouvent avec davantage de copies du plasmide, ce qui augmente la quantité de gènes de la résistance et, surtout, multiplie les transferts vers d’autres bactéries. Autrement dit, plus un plasmide est abondant dans une cellule, plus il devient un super-diffuseur d’antibiorésistance.
 
Comprendre pour mieux anticiper la dissémination de la résistance
Ces résultats apportent une compréhension fine de la biologie du plasmide pOXA-48 et de sa remarquable capacité à diffuser la résistance aux antibiotiques. Au-delà de l’intérêt fondamental, en dévoilant ces rouages, les scientifiques ouvrent la voie à de nouvelles stratégies pour fragiliser ce plasmide et limiter la dissémination de bactéries multirésistantes dans les hôpitaux et la communauté.
En savoir plus : Baffert Y, Fraikin N, Makhloufi Y, Baltenneck J, Val ME, Dedieu-Berne A, Degosserie J, Iorga BI, Bogaerts P, Gueguen E, Lesterlin C, Bigot S. Genetic determinants of pOXA-48 plasmid maintenance and propagation in Escherichia coli. Nat Commun. 2025 Aug 19;16(1):7734. doi: 10.1038/s41467-025-62404-7. PMID: 40830342; PMCID: PMC12365149.
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Laboratoire
Microbiologie moléculaire et biochimie structurale - MMBS (CNRS/Université Claude Bernard)
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