Communication entre neurones : la microscopie de super-résolution dévoile l’architecture de l’actine

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Malgré des décennies d'étude, l'architecture de l'actine, une molécule clef du cytosquelette cellulaire, demeure mystérieuse au sein des synapses, et cela complique la compréhension de son rôle structurel et fonctionnel. Dans une publication parue dans la revue Journal of Cell Biology, les scientifiques ont développé des méthodes innovantes pour visualiser spécifiquement l'actine dans les boutons présynaptiques. La microscopie de super-résolution a alors pu révéler différentes nanostructures d'actine au sein de ces compartiments.

Jusqu’à présent, une lacune persistait dans la connaissance des neurones : comment le cytosquelette, qui décide de la forme et de l’architecture cellulaire, est-il organisé dans les synapses – en particulier la partie présynaptique, là où l’axone contacte le neurone récepteur et libère les neurotransmetteurs permettant la transmission de l’information ? Parmi les composants de ce squelette cellulaire, on sait que les microtubules sont peu présents dans les présynapses, alors que les filaments d'actine y sont concentrés, formant des structures mal connues. En effet, ces structures d'actine sont bien plus petites que la limite de diffraction de la microscopie optique à fluorescence (environ 200 nanomètres), et difficile à discerner en microscopie électronique. Ce manque de connaissances sur l’architecture de l’actine présynaptique entrave la compréhension du rôle joué par cette actine dans les processus clés de la présynapse, tels que la fabrication et la libération des vésicules de neurotransmetteurs.

 

L’existence de trois types de nanostructures d’actine enfin démontré

 

Les scientifiques, ont utilisé la microscopie optique de super-résolution, qui permet d’atteindre une résolution d’environ 20 nanomètres, pour révéler les différentes nanostructures formées par l’actine au sein des présynapses. Du côté présynaptique, l'architecture de l'actine est difficile à discerner, en partie cachée par l'importante quantité d'actine présente du côté postsynaptique. Le premier défi a donc été de développer et de valider un modèle de presynapses isolées induites le long d’axones de neurones en culture par des billes micrométriques. Ils ont pu caractériser la concentration d’actine dans ces présynapses induites, ainsi que son rôle dans la concentration des protéines présynaptiques et le renforcement du cycle de libération des vésicules. La microscopie super-résolutive a permis de visualiser des structures distinctes d’actine au sein des présynapses, avec trois catégories de nanostructures : un fin filet d’actine (mesh) au niveau de la zone active, là où les vésicules sont libérées ; des rails d’actine au sein de la présynapse entre la zone active et les réserves de vésicules plus profondes ; et des barrières denses et branchées (corrals) qui délimitent la présynapse et la sépare du reste de l’axone. Ils ont ensuite développé une méthode pour étiqueter l’actine seulement du côté présynaptique grâce à une modification génétique des neurones en culture par CRIPSR/Cas9. L’existence de ces trois types de nanostructures d’actine dans de véritable présynapses connectant d’autres neurones a ainsi été démontrée.

 

Un point de départ solide pour des efforts futurs

 

Ces résultats, publiés dans le Journal of Cell Biology, constituent une avancée majeure. L'existence de nanostructures d’actine distinctes permet de comprendre comment l'actine peut jouer les multiples rôles qui ont été proposés ou mis en évidence depuis plusieurs décennies au sein des présynapses. Cette étude fournit un point de départ solide à partir duquel diriger les efforts futurs pour déterminer les fonctions de ces nanostructures, et comprendre comment le cytosquelette construit, maintient et transforme l’architecture et la physiologie de la synapse.

Figure
Des marquages de présynapses isolées obtenues grâce à des billes (à gauche, en haut) ou à l’étiquetage de l’actine par CRISPR/CAS9 (à gauche, au centre), permettent à la microscopie de super-résolution STORM et PAINT de révéler l’existence de nanostructures distinctes d’actine (en gris sur les images) au sein des présynapses (images au centre, orange) : filet d’actine au niveau de la zone active où les vésicules sont libérées (mesh, en rouge), rails d’actine au sein de la présynapse (en vert) et barrières (corrals, en bleu) autour de la présynapse et du pool de réserve des vésicules synaptiques (schéma en bas à gauche). © Christophe Leterrier

En savoir plus : 

Bingham D, Jakobs CE, Wernert F, Boroni-Rueda F, Jullien N, Schentarra EM, Friedl K, Moura JDC, Bommel DM van, Caillol G, Ogawa Y, Papandréou MJ, Leterrier C.

Presynapses contain distinct actin nanostructures.

The Journal of Cell Biology, 2023;222(10):e202208110.

doi: 10.1083/jcb.202208110

 

Contact

Christophe Leterrier
Chercheur CNRS à l'Insitut de neurophysiopathologie

Laboratoire

Institut de Neurophysiopathologie INP (CNRS/Aix-Marseille Université)

Faculté de Médecine Secteur Timone, 27, boulevard Pierre Dramard,

13005 Marseille