Comment une bactérie freine sa division pour mieux s’adapter ?
Dans un article publié dans Nature Communications, des scientifiques décryptent en direct un mécanisme inédit de blocage temporaire de la division chez la bactérie Streptococcus pneumoniae. Cette pause stratégique permet à la bactérie d’intégrer de nouveaux gènes sans compromettre l’intégrité de son génome.
Un blocage temporaire de la division pour optimiser la transformation génétique
Certaines bactéries ont une capacité remarquable : elles peuvent intégrer dans leur propre génome des séquences d’ADN présentes dans leur environnement. Ce phénomène de transformation naturelle existe chez de nombreuses espèces et leur permet d’échanger des gènes, y compris entre espèces différentes. C’est un moteur important de leur diversification, par exemple pour acquérir de nouvelles résistances aux antibiotiques.
Pour réaliser cette transformation, les bactéries doivent entrer dans un état physiologique particulier, appelé compétence. Cet état se développe en général de façon transitoire en réponse à un stress. Chez le pneumocoque, (Streptococcus pneumoniae), la compétence s’accompagne d’un blocage temporaire de la division cellulaire : le cycle cellulaire est rallongé d’environ un tiers, ce qui laisse le temps d’intégrer correctement le nouvel ADN sans compromettre l’intégrité du génome.
Une protéine membranaire, ComM, produite pendant la compétence, est à la fois nécessaire et suffisante pour induire ce blocage.
Comment ComM freine la division cellulaire
Dans un article publié dans la revue Nature Communications, les scientifiques ont utilisé une technique d’imagerie appelée microscopie de fluorescence à réflexion interne totale (TIRF). Cette méthode permet de visualiser avec une très grande précision ce qui se passe à la surface des cellules vivantes, en éclairant une fine couche proche de la membrane. Grâce à cette approche, ils ont pu suivre en temps réel le comportement des protéines impliquées dans la division cellulaire. Ils montrent que ComM inhibe la division en se liant avec la protéine DivIB et en ralentissant son déplacement. En augmentant la quantité de DivIB, la vitesse de division redevient normale, preuve que ComM agit en modulant l’activité de ce régulateur.
Cette étude révèle « en direct » comment le pneumocoque interrompt sa division pour optimiser la transformation génétique. Ces recherches permettent de mieux comprendre comment les bactéries régulent finement leur cycle cellulaire en réponse à différents stimuli (notamment les situations de stress chez le pneumocoque) afin de s’adapter et d’évoluer efficacement tout en préservant leur intégrité cellulaire.

Figure : Modèle de régulation de la synthèse de la paroi septale et de la division par ComM via DivIB. Dans les cellules non compétentes, DivIB interagit avec le complexe de synthèse de la paroi septale FtsW:PBP2x au site de division. DivIB active la synthèse de la paroie septale et permet la division cellulaire. Dans les cellules compétentes, ComM est exprimée et interagit avec DivIB pour réprimer son activité, ce qui entraîne un ralentissement de la synthèse de la paroi septale et le retard de la division cellulaire.
MC : membrane cellulaire.
En savoir plus : Juillot D, Billaudeau C, Mortier-Barrière I, Barbotin A, Lablaine A, Polard P, Campo N, Carballido-López R. Transient inhibition of cell division in competent pneumococcal cells results from deceleration of the septal peptidoglycan complex. Nat Commun. 2025 Jul 1;16(1):5666. doi: 10.1038/s41467-025-60600-z. PMID: 40595580; PMCID: PMC12214887.
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