Comment les motoneurones rencontrent-ils leurs partenaires musculaires pour la vie ?

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Dans un article publié dans la revue Cell Reports les scientifiques montrent que le destin morphologique individuel des motoneurones est déterminé par l’expression combinée d’ARNm codant pour des facteurs de transcription (FT) et de gradients de protéines de liaison à l'ARN. Ces protéines de liaison à l’ARN déterminent pendant le développement quels ARNm sont traduits, produisant ainsi des codes de FT uniques à chaque motoneurone. Ces codes déterminent le destin morphologique de chaque motoneurone et en particulier quelle muscle ces derniers doivent innerver.

Comme l'a dit le philosophe de la renaissance Michel De Montaigne : "la vie n'est que mouvement". La locomotion est un comportement stéréotypé utilisé par les animaux pour trouver de la nourriture, des partenaires ou pour échapper à des prédateurs. Chez les animaux, la diversité morphologique des muscles assure la précision des mouvements. Chaque muscle est innervé par un câblage unique de terminaisons axonales provenant de motoneurones qui contrôlent le moment et l'intensité de la contraction musculaire. Mais quel programme génétique permet aux motoneurones d’établir au cours du développement des connexions nerveuses avec des muscles spécifiques ?

Le système locomoteur en charge de la marche chez la drosophile offre une occasion unique de répondre à cette question pour deux raisons majeures. Tout d’abord les outils génétiques de cet organisme modèle permettent d’étudier avec précision les mécanismes biologiques au niveau cellulaire et à tous les stades de développement ainsi que chez l’adulte. Le deuxième avantage réside en sa simplicité : 70 motoneurones innervent 14 muscles dans chaque patte, ce qui simplifie l’étude de ce système.

Les scientifiques ont étudié comment 29 motoneurones, qui sont générés à partir d'une seule cellule souche, acquièrent des morphologies distinctes. Ils ont identifié 19 Facteurs de Transcription (FT) exprimés en combinaison (code de FTs) dans les motoneurones immatures juste avant leur différenciation morphologique. À l'aide de manipulations génétiques et d'un nouvel outil bio-informatique, ils démontrent que les codes de FT sont progressivement établis dans les motoneurones immatures en fonction de leur ordre de naissance. L’étude fonctionnelle de ces codes de FTs révèle qu’ils sont nécessaires pour établir le connectome axone-muscle (connectome axone-muscle : ensemble de connections neuromusculaires).  La comparaison des patrons d'expression des ARN et des protéines de plusieurs FT révèle que la régulation post-transcriptionnelle joue un rôle essentiel dans la formation de ces codes de FT. Deux protéines connues de liaison à l'ARN, Imp et Syp, exprimées en gradients opposés en fonction de l’ordre de naissance des motoneurones immatures, contrôlent la traduction de plusieurs FTs. La sensibilité variable des ARNm de ces FTs aux gradients d’expression opposés de Imp et Syp dans les motoneurones immatures décrypte ces gradients en codes de FT distincts qui établissent le connectome axone-muscle.

Une compréhension plus complète de la construction du connectome axone-muscle pourrait fournir à la communauté scientifique des connaissances essentielles pour mieux comprendre et aider à résoudre Les défauts de locomotion humaine, dus à des lésions ou à diverses maladies dévastatrices.

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© Jonathan Enriquez

Figure : La régulation post-transcriptionnelle de codes des facteurs de transcription dans les neurones immatures génère de la diversité neuronale
Schémas montrant les patrons d’expression des ARNs et des protéines de facteurs de transcription (FT) exprimés dans les moteneurones (MNs) en fonction leur ordre de naissance, ainsi que leur régulation post-transcriptionnelle par des protéines de liaison à l’ARN (RPBs). Le lien entre chaque MN immature et le muscle qu’il innerve dans la patte adulte est indiqué en bas de la figure.

Pour en savoir plus :
Post-transcriptional regulation of transcription factor codes in immature neurons drives neuronal diversity.
Guan W, Bellemin S, Bouchet M, Venkatasubramanian L, Guillermin C, Laurençon A, Kabir C, Darnas A, Godin C, Urdy S, Mann RS, Enriquez J.
Cell Rep. 28 juin 2022. doi: 10.1016/j.celrep.2022.110992.

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Jonathan Enriquez
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