Comment les cellules font-elles face à leurs propres contradictions ?

Résultats scientifiques Génétique, génomique

Pour assurer l'expression, le maintien et la propagation de son génome, la cellule doit mettre en place des activités enzymatiques potentiellement conflictuelles, la transcription et la réplication. Dans un article récemment publié dans la revue eLife, les chercheurs montrent, chez la levure Saccharomyces cerevisiae, que les facteurs de réplication se liant à l'ADN pour définir les endroits d'où la réplication est initiée "protègent" également ces sites de la transcription avoisinante, qu'ils terminent. Et que les niveaux faibles de transcription qui néanmoins envahissent ces sites, influencent l'activité de réplication.

Opposer les machineries de transcription et de réplication de l'ADN représente un risque. Une ARN polymérase transcrivant un génome en cours de réplication peut en effet rentrer en collision avec un réplisome. Par ailleurs, le déplacement d'une ARN polymérase peut aussi interférer avec la liaison à l'ADN de facteurs nécessaires à la réplication. Collisions et interférences conduisent à des défauts de réplication rédhibitoires pour la cellule. Parce qu'éteindre la transcription, même de façon transitoire, serait beaucoup trop incapacitant pour leur croissance, on considère que les cellules ont dû conserver au cours de leur évolution des mécanismes permettant soit de résoudre, soit de prévenir, soit de bénéficier de ces conflits qu'elles n'évitent pas.

La réplication est initiée dans des zones spécialisées du génome, les "origines de réplication", localisées, dans leur grande majorité, en dehors des gènes. Si on a pu penser que la transcription devait donc en être exclue, on sait désormais qu'une partie conséquente des ARN polymérases en cours de transcription ne se limite pas aux gènes annotés et "envahit" donc des régions qu'on attendait non-transcrites. Certaines protéines liant l'ADN peuvent limiter cette invasion en bloquant physiquement la progression de l'ARN polymérase. Cet article, qui s'intéresse à l'impact de cette transcription envahissante sur la fonction des origines de réplication, montre que les facteurs de réplication bloquent les ARN polymérases aux origines et, de fait, les "protègent". Ce blocus ne semble pas pour autant être infaillible, et les ARN polymérases qui réussissent à passer participent donc à moduler quand et avec quelle efficacité les origines de réplication sont activées.

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Figure : Les origines de replication sont “protégées »  des ARN polymerases (bleu), dont la progression est terminée par un mécanisme de « road-block ». Le faible niveau de transcription qui envahit malgré tout les origines de réplication influe sur leur fonction en termes d’efficacité et de « timing » d’activation.

 

En savoir plus
Pervasive transcription fine-tunes replication origin activity.

Candelli T, Gros J, Libri D.
Elife. 2018 Dec 17;7. pii: e40802. doi: 10.7554/eLife.40802.

Contact

Domenico Libri
Directeur de recherche CNRS à l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier (Université de Montpellier/CNRS)
Julien Gros
Chercheur, Institut Jacques Monod