Chez le blob, le vieillissement pourrait être réversible !

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Le blob (Physarum Polycephalum), un organisme unicellulaire dépourvu de système nerveux, continue de nous étonner par ses capacités surprenantes. Dans une nouvelle étude publiée dans une édition spéciale de la revue Philosophical Transaction of the Royal Society, les scientifiques montrent que le vieillissement chez le blob est en partie réversible. Ils révèlent qu’un blob âgé peut se comporter comme un blob jeune après une période dormance ou suite à une fusion avec un blob jeune. 

L’effet de l’âge sur le comportement des organismes unicellulaire est une question peu étudiée. Nous avons d’ailleurs longtemps pensé que les organismes unicellulaires étaient insensibles au vieillissement. Depuis peu, il a été démontré que certains organismes unicellulaires, tels que les bactéries, les paramécies et les levures subissent des changements intrinsèques au fil du temps qui affectent leur comportement et leur physiologie. Dans cette étude, les scientifiques ont étudié comment le comportement de Physarum polycephalum, surnommé blob, varie au cours du temps.

Le blob est un organisme unicellulaire de grande taille qui appartient au règne des Amibozoaires. C’est un organisme modèle pour l'étude de la résolution de problèmes dans les systèmes non neuronaux. Des expériences antérieures ont montré qu’il peut trouver le chemin le plus court dans un labyrinthe, construire des réseaux optimisés, anticiper des événements, apprendre à ignorer des stimuli négatifs, encoder la mémoire de ses déplacements dans son environnement, interagir avec ses congénères, optimiser son régime alimentaire et même prendre des décisions optimales.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont comparé le comportement de blobs âgés d’une semaine à deux ans afin de caractériser une forme de sénescence chez le blob. Ils montrent ainsi que la vitesse de déplacement diminue drastiquement avec l’âge du blob. Les blobs âgés sont également plus sensibles aux stress (un contact avec une substance chimique répulsive) et évitent plus activement les environnements stressants. Cependant, contrairement à ce que l’on peut observer chez les animaux, les capacités d’apprentissage ne sont pas affectées par l’âge du blob.

Les biologistes ont ensuite voulu savoir si l’âge des blobs pouvaient jouer un rôle sur l’attraction des blobs pour leur semblables. En effet, les blobs excrètent des substances chimiques dans leur environnement qui sont attractives pour les blobs qui se situent à proximité. Ils sont capables de percevoir indirectement l’âge de leurs congénères et préfère se diriger vers les jeunes blobs. Les scientifiques se sont alors demandé si fusionner avec un congénère jeune pouvait conférer un avantage au blob âgé. Ils ont formé des paires de blobs âgés, des paires de blobs jeunes et des paires mixtes qu’ils ont placé côte à côte. Ils révèlent que si toutes les paires fusionnent rapidement, les blobs âgés issus de paires mixtes se déplacent aussi rapidement que les jeunes blobs après la fusion

Cette senescence apparente serait potentiellement réversible chez le blob suite à une période de dormance. Lorsque les conditions environnementales se détériorent (manque d’eau ou de nourriture), le blob cesse de se déplacer, se dessèche, entre en dormance et peut rester sous cette forme de sclérote plusieurs années. Étonnamment, suite à une période de dormance, un blob âgé se déplacent à la même vitesse qu’un blob jeune.

Cette étude élargit nos connaissances sur la plasticité comportementale des organismes unicellulaires et montre que le blob est un modèle prometteur pour étudier l'effet du vieillissement sur le comportement. Leur capacité à fusionner avec des congénères et leur cycle de vie particulier pourraient nous aider à comprendre comment une cellule peut contrer les effets du vieillissement.

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© Audrey Dussutour CBI / CNRS

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En haut : vitesse de déplacement des blobs en fonction de l’âge. Six groupes de blobs de différents âges (1, 17, 32, 54, 74 et 94 semaines) ont été utilisés pour réaliser cette expérience. Les substrats étaient constitués de gel d'avoine.
En bas : Vitesse de déplacement des blobs avant et après la fusion d’un blob âgé et d’un blob jeune. Les substrats étaient constitués de gel d'avoine.

En savoir plus :
Behavioural changes in slime moulds over time.
A. Rolland, E. Pasquier, P. Malvezin, C. Craig, M. Dumas et A. Dussutour. Philosophical Transactions of the Royal Society B le 20 février 2023. DOI:
https://doi.org/10.1098/rstb.2022.0063

Contact

Audrey Dussutour
Directrice de recherche

Laboratoire

Centre de recherches sur la cognition animale - CRCA (CNRS/Université de Toulouse III - Paul Sabatier)
Centre de biologie intégrative - CBI
Bâtiment 4R4, Porte 4048
169 avenue Marianne Grunberg-Maranago
31062 Toulouse