Carence en méthionine : le cerveau fœtal en première ligne
Alors que plusieurs études montrent les effets bénéfiques d’une diminution de l’apport de méthionine dans l’alimentation, une étude récente publiée dans iScience et réalisée chez la souris révèle qu’une carence, même brève, de cet acide aminé pendant la gestation perturbe la croissance du cerveau fœtal. Cet effet est réversible mais le rattrapage affecte la proportion entre les cellules nerveuses et les cellules gliales.
Chez les mammifères, chaque individu possède à la naissance un stock de neurones qu’il conservera tout au long de sa vie. En effet, la quasi-totalité des neurones présents dans le cerveau adulte sont produits au cours de la gestation et le renouvellement de ces cellules chez l’adulte est extrêmement limité. Chez l’homme, plusieurs dizaines de milliards de neurones sont fabriqués en quelques mois au cours de la gestation par divisions successives de cellules progénitrices. Étant donné l’ampleur de la tâche, il est absolument essentiel que ces cellules progénitrices disposent d’un apport suffisant en acides aminés, lipides et autres nutriments afin d’alimenter leur métabolisme et de maintenir un taux de division élevé.
La méthionine, un acide aminé essentiel dont le rôle est mal connu au cours du développement embryonnaire
La méthionine est un acide aminé considéré comme « essentiel » chez l’homme car il ne peut être synthétisé de novo et doit être apporté par l’alimentation. A l’intérieur de la cellule, la méthionine a plusieurs fonctions cellulaires connues telles que la traduction protéique, la gestion du stress oxydatif ou encore la méthylation de l’ADN. Malgré ces fonctions cellulaires importantes, de nombreuses études ont rapporté les bienfaits de régimes alimentaires pauvres en méthionine. Par exemple, il a été montré dans de nombreuses espèces animales qu’une diminution de l’apport en méthionine augmente la longévité ; d’autres études ont rapporté que certaines cellules tumorales sont « accro » à la méthionine et qu’un régime alimentaire pauvre en méthionine pourrait réduire la croissance des tumeurs.
Cependant, peu d’études se sont intéressées au rôle de la méthionine pendant la gestation, ni aux effets à très court terme de carence en méthionine sur la croissance des organes fœtaux. Dans une étude publiée dans la revue iScience, des scientifiques ont utilisé le modèle murin pour répondre à ces questions.
Une carence en méthionine affecte le développement du cerveau fœtal
Afin de ne cibler que les phases de croissance des organes fœtaux, le régime alimentaire carencé a été administré aux souris gestantes après 9 jours de gestation et pendant 5 ou 10 jours. Le premier enseignement à tirer de ces expériences est que sur les 3 organes étudiés (cerveau, cœur et foie), le cerveau est le plus sensible à la carence en méthionine puisque c’est le seul organe dont la croissance est diminuée et ce, dès le 5e jour de carence. En réalisant des analyses plus fines sur le cerveau en développement, les scientifiques ont découvert que la carence en méthionine bloque la division des cellules progénitrices, lesquelles entrent dans un état de quiescence dont elles peuvent rapidement sortir dès que la carence en méthionine est levée. De façon surprenante, l’entrée en quiescence en réponse à la carence en méthionine s’effectue de manière atypique en phase S/G2 du cycle cellulaire et non pas en phase G0/G1. La sortie de quiescence en conditions non carencées permet au tissu de reprendre la production de neurones pour atteindre le nombre attendu à la naissance. Cependant, ce rattrapage se fait au détriment de la production de cellules gliales.
En conclusion, cette étude révèle que des carences alimentaires même de courte durée ont des effets délétères sur la croissance du cerveau fœtal. Ces résultats vont à l’encontre du dogme selon lequel le cerveau serait épargné en cas de carence et montrent que selon le type de carence, le cerveau n’est pas systématiquement préservé. Chez l’homme, la méthionine est apportée principalement par la consommation de viande ou d’œufs. Cette étude souligne donc la nécessité d’un apport complémentaire en méthionine dans les régimes végans lors de la grossesse.

Figure : les images montrent des coupes de néocortex d’embryons de souris à 14,5 jours de gestation qui ont été soumis à un régime alimentaire maternel contrôle ou carencé en méthionine pendant 5 jours. Les noyaux de toutes les cellules apparaissent en rouge et les neurones en bleu. Dans la condition de carence en méthionine, on voit une diminution de l’épaisseur du néocortex associée à un déficit du nombre de neurones.
Référence : Acute dietary methionine restriction highlights sensitivity of neocortex development to metabolic variations. Saha S., Debacq C., Audouard C., Jungas T., Dupre P., Fawal MA., Chapat C., Michaud HA., Le Cam L., Lacroix M., Ohayon D. and Davy A.
iScience, juin 2025, DOI : https://doi.org/10.1016/j.isci.2025.112705
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