Cancers, découverte du compartiment chromatinien D induit par les dommages de l'ADN

Résultats scientifiques Génétique, génomique

L’apparition de translocations chromosomiques, qui sont des échanges de matériel génétique entre deux chromosomes de paires différentes, est une cause fréquente de cancers. Mais comment apparaissent-elles ? Dans une étude parue dans la revue Nature les scientifiques montrent que lorsque des cassures apparaissent dans notre ADN, un nouveau compartiment de chromatine se forme à l'intérieur du noyau de la cellule. Ce compartiment chromatinien (appelé « D ») favorise l’activation de gènes essentiels pour signaler la présence de ces dommages à l’ensemble de la cellule, mais il s’accompagne de la formation délétère de translocations.

L’apparition de cassures dans le génome peut changer la séquence originelle des chromosomes, en entrainant notamment des mutations ou des délétions. Les cassures peuvent également favoriser des changements plus rares, mais plus drastiques, qui altèrent la structure des chromosomes, telles que les translocations, qui résultent de l’échange de matériel génétique entre deux chromosomes. Les translocations peuvent être à l’origine de cancers, mais elles peuvent également être la conséquence totalement indésirable de chimiothérapies générant ainsi des tumeurs secondaires. La formation des translocations au sein de notre génome reste encore mal comprise, même si on sait qu’elle implique le regroupement spatial de deux cassures.

En étudiant la réparation des cassures double-brin et l’organisation tri-dimensionnelle de notre génome, les scientifiques ont pu dévoiler certains mécanismes qui favorisent la réparation de l’ADN mais sont aussi à l’origine de translocations. En effet, cette étude publiée dans Nature démontre que, suite à l’apparition de cassures, notre ADN subit des changements organisationnels de sa structure et en particulier la formation d’un nouveau compartiment chromatinien appelé compartiment D.

Une balance bénéfices/risques favorable pour le compartiment chromatinien D

Ce compartiment contient différentes cassures qui se regroupent au même endroit, ce qui favorise l’apparition de translocations aux effets néfastes pour la stabilité du génome. Alors, pourquoi une telle structure s’est retrouvé maintenu au cours de l’évolution dans la cellule? Une partie de la réponse réside probablement dans le fait que le compartiment D rassemble également certains gènes qui jouent un rôle primordial dans la signalisation à la cellule de la présence de dommages. La présence de ces gènes dans ce compartiment D faciliterait leur activation, permettant ainsi à la cellule de répondre efficacement aux menaces posées par les cassures double-brin de l'ADN. Ainsi, la cellule aurait un avantage sélectif à maintenir ce compartiment D.

Cette étude éclaire notre compréhension de l’impact de la réorganisation tri-dimensionnelle de notre ADN sur les mécanismes que la cellule met en place pour faire face au danger causé par les cassures double-brin de d’ADN. Mais le revers de la médaille est que cette réorganisation peut occasionnellement entrainer des effets néfastes pour la cellule en générant des translocations chromosomiques, qui sont des événements délétères à l’origine de cancers.

figure
© Arnould et Legube
Figure : La formation du compartiment chromatinien D : balance bénéfices/risques. L’apparition de cassures double-brin de l’ADN conduit à un regroupement de multiples cassures au sein d’une nouvelle structure de la chromatine appelée compartiment D. Des gènes de la réponse aux dommages (souvent des suppresseurs de tumeurs) se relocalisent aussi dans ce compartiment, ceci permettant leur activation et par conséquent, la signalisation à l’échelle cellulaire de la présence de cassures. Cependant, ce rapprochement entre les cassures et ces gènes comporte des risques, puisqu’il peut conduire à la formation de réarrangements chromosomiques, tels que les translocations, phénomène à l’origine de cancers.

En savoir plus :
Arnould, C., Rocher, V., Saur, F. et al. Chromatin compartmentalization regulates the response to DNA damageNature (2023). https://doi.org/10.1038/s41586-023-06635-y

Contact

Gaëlle Legube
Directrice de recherche CNRS

Laboratoire

Unité de biologie moléculaire, cellulaire et du développement – MCD (CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier)
Centre de Biologie Intégrative - CBI

Université Paul Sabatier - Bât. 4R4
169 Avenue Marianne Grunberg-Manago
31062 Toulouse Cedex 9