Bradyrhizobium marin : un agent double de la symbiose
Dans une étude publiée dans Nature Microbiology, des scientifiques montrent que Bradyrhizobium, une bactérie fixatrice d’azote, vivant en symbiose avec une diatomée marine se révèle capable de former des nodules racinaires fonctionnels sur une plante terrestre. Cette étude remet en question la spécialisation écologique des symbioses fixatrices d’azote.
Quand la frontière entre les mondes marin et terrestre s’efface
La fixation biologique de l’azote, indispensable à la fertilité des sols comme à la productivité des océans, repose sur un partenariat entre des micro-organismes spécialisés et leurs hôtes. On pensait ces relations bien délimitées :
- En milieu marin, ce rôle était assuré par les cyanobactéries et les diazotrophes non cyanobactéries.
- Sur terre, ce sont les rhizobia logés dans les nodules racinaires des légumineuses qui captent l’azote atmosphérique.
- Mais cette séparation stricte entre mondes marin et terrestre vient d’être bousculée.
Une bactérie marine capable de former des nodules sur une plante terrestre
Dans une étude publiée dans Nature Microbiology, des scientifiques révèlent qu’une souche de Bradyrhizobium, isolée d’une culture de la diatomée marine Phaeodactylum tricornutum, est non seulement capable de survivre en milieu marin pauvre en azote, mais aussi d’établir une symbiose fonctionnelle avec une plante terrestre, Aeschynomene indica.
Cette bactérie induit la formation de nodules racinaires fixateurs d’azote chez A. indica, démontrant ainsi une capacité d’adaptation à deux hôtes appartenant à des règnes et à des habitats radicalement différents.
L’analyse génomique de cette souche montre qu’elle appartient à la lignée des Bradyrhizobium photosynthétiques, déjà connus en milieu terrestre. Comme ces derniers, elle ne possède pas les gènes nodABC, habituellement indispensables à la production de facteurs de nodulation nécessaires à la symbiose avec la plante. Malgré cette absence, la bactérie conserve une pleine capacité à initier la formation de nodules fixateurs d’azote, probablement grâce à un mécanisme alternatif, encore mal élucidé, mais partagé avec d'autres Bradyrhizobium photosynthétiques.
Une découverte qui rebat les cartes de l’évolution des symbioses
Ce résultat soulève des questions majeures sur l’évolution des symbioses fixatrices d’azote. Comment une bactérie adaptée à un environnement marin a-t-elle pu conserver, voire développer, une compétence symbiotique avec un hôte terrestre ? S’agit-il d’un vestige d’une origine terrestre récente ou d’une stratégie évolutive conférant un avantage dans la « phycosphère », l’environnement immédiat des algues ?
Cette découverte ouvre la voie à l’exploration d’associations inter-règnes jusqu’alors insoupçonnées. Elle invite à repenser les limites écologiques et phylogénétiques des symbioses fixatrices d’azote et démontre que des capacités symbiotiques peuvent être conservées au-delà des transitions environnementales. À l’heure où l’on cherche à mieux comprendre et exploiter les symbioses pour l’agriculture ou la conservation des écosystèmes, cette étude met en lumière l’importance de la diversité microbienne cachée et de ses potentialités insoupçonnées.

En savoir plus : Chandola U, Manirakiza E, Maillard M, Lavier Aydat LJ, Camuel A, Trottier C, Tanaka A, Chaumier T, Giraud E, Tirichine L. A Bradyrhizobium isolate from a marine diatom induces nitrogen-fixing nodules in a terrestrial legume. Nat Microbiol. 2025 Oct;10(10):2486-2497. doi: 10.1038/s41564-025-02105-5. Epub 2025 Sep 5. PMID: 40913088.
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Unité en sciences biologiques et biotechnologies - US2B (CNRS/Nantes Université)
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