Biologie et mathématiques en synergie pour comprendre la construction d’un organe sensoriel
Comment un organe sensoriel se construit-il au cours du développement embryonnaire ? Dans un article publié dans iScience, des scientifiques, en combinant modélisation mathématique et expérimentation sur le poisson zèbre, ont montré que la formation de l’organe olfactif repose sur des signalisations moléculaires finement régulées dans le temps et dans l’espace.Comment un organe sensoriel se construit-il au cours du développement embryonnaire ? Dans un article publié dans iScience, des scientifiques, en combinant modélisation mathématique et expérimentation sur le poisson zèbre, ont montré que la formation de l’organe olfactif repose sur des signalisations moléculaires finement régulées dans le temps et dans l’espace.
Mise en place de l’organe olfactif chez le poisson zèbre
Pour que les organes sensoriels fonctionnent, leurs cellules doivent être générées au bon endroit et au bon moment, et avoir la bonne identité (c’est-à-dire le bon « type » de cellule). Chez l’embryon de poisson zèbre, c’est une zone appelée « placode olfactive » qui est à l’origine de l'organe olfactif. Étudier son développement permet de mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent la formation et le fonctionnement des organes sensoriels.
A Toulouse, une équipe du Centre de Biologie Intégrative s’intéresse à ce processus. Chez le poisson zèbre, les cellules olfactives se positionnent initialement en fer à cheval autour du cerveau antérieur avant de s’organiser en une rosette caractéristique de la forme finale de l’organe olfactif. Tout cela se déroule très vite, entre 12 et 24 heures après la fécondation, et peut être facilement observé grâce à la transparence des embryons. Des travaux antérieurs ont montré que ce processus repose sur une attraction chimique entre cellules : la chimiotaxie. Dans ce processus, une molécule appelée Cxcl12a (le signal chimique) est produite dans le cerveau antérieur et les cellules olfactives, qui possèdent le récepteur Cxcr4b, se déplacent en réponse à ce signal. Quand l’un ou l’autre de ces éléments est absent dans des embryons mutants, la rosette ne se forme pas correctement. Cependant, la dynamique de cette signalisation est encore inconnue.
Un modèle mathématique pour mieux comprendre la signalisation
Pour répondre à cette question, les scientifiques, dans un article publié dans la revue iScience, ont combiné biologie et modélisation. Ils ont créé un modèle mathématique capable de simuler la formation de la placode olfactive. Ce modèle a permis d’explorer différentes hypothèses quant à la position de l’expression de la chimiokine Cxcl12a pour générer au bon endroit les rosettes des cellules olfactives dans l’embryon de poisson zèbre. Après la réintroduction du signal Cxcl12a chez des embryons mutants (qui n’ont pas ce signal), la formation de la placode revient à la normale, que ce soit dans le modèle mathématique in silico ou in vivo chez l’embryon de poisson zèbre.
Mais les résultats ont réservé une surprise : selon l’endroit exact où Cxcl12a est exprimé le long de l’axe antéro-postérieur du cerveau antérieur, la placode ne se forme pas de la même manière, ce que le modèle ne prévoyait pas. Cela suggère que l’activation de ce signal n’est pas uniforme mais différenciée spatialement. Grâce à des expériences d’imagerie sur l’embryon vivant, les scientifiques ont confirmé que le domaine antérieur de la placode olfactive possédait une dynamique d’activation spécifique.
Cette étude révèle que la signalisation Cxcl12a-Cxcr4b fonctionne de façon finement modulée dans l’espace et le temps. Loin d’être homogène, elle varie le long de l’axe antéro-postérieur, ce qui permet de façonner correctement la placode olfactive. Ces découvertes offrent une meilleure compréhension des mécanismes qui régulent la formation des organes sensoriels.
Figure : Aller-retour entre imagerie sur le vivant (schématisée par l’embryon de poisson zèbre gris) et modélisation mathématique (schématisée par une sphère bleue avec des équations). Visualisation de l'expression de Cxcr4b dans les cellules olfactives de la placode droite au fil du temps chez les embryons témoins et mutant pour Cxcl12a, Cxcl12a -/- et modélisation mathématique de la morphogenèse olfactive au temps initial (12hpf) et final/2 (18hpf). Une projection z est représentée. L'embryon est orienté avec la partie antérieure vers le haut et le télencéphale est délimité par des pointillés gris. Les barres d'échelle représentent 20 µm. L’axe antéro-postérieur est codé par des rectangles ou des sphères de couleur bleue claire (antérieur) et bleue foncée (postérieur).
En savoir plus : , , , , , , , , Local activation of Cxcl12a signaling controls olfactory placode morphogenesis in zebrafish embryos. iScience. 2025 Sept. 17; https://doi.org/10.1016/j.isci.2025.113398
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Laboratoire
Unité de biologie moléculaire, cellulaire et du développement – MCD (CNRS/Université de Toulouse)
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