Alimentation ultra-transformée : des risques pour la santé même sans excès calorique
La consommation d’aliments ultra-transformés est associée à un risque accru de développer de nombreuses maladies chroniques. Ces effets sont souvent considérés comme liés à l’excès de calories qui leur est associé. Dans un article publié dans Cell Metabolism des scientifiques montrent que des effets sur la santé et la fertilité peuvent être observés indépendamment des calories consommées.
L’épidémie de l’ultra-transformé
En France, environ 80% des produits disponibles en supermarché sont des aliments dits « ultra-transformés ». Ils se caractérisent par des processus de préparation industriels et l’ajout d’au moins un ingrédient de nature synthétique.
Depuis plusieurs années, les études épidémiologiques établissent une forte corrélation entre leur consommation et l’apparition de maladies chroniques telles que l’obésité, le diabète ou encore certaines affections cardiovasculaires. Toutefois, ces études révèlent une corrélation et non une causalité formelle : elles montrent une association significative sans démontrer que ces aliments sont la cause directe de ces pathologies.
Santé et dérégulation hormonale
À ce jour, seules trois études cliniques ont évalué l’effet direct de la consommation d’aliments ultra-transformés sur la santé. Elles se sont principalement concentrées sur le métabolisme et ont montré qu’un régime riche en produits ultra-transformés proposé à volonté entraînait une surconsommation calorique par rapport à un régime peu transformé. Cette surconsommation rendait difficile de distinguer les effets liés à la nature des aliments de ceux liés à l’excès calorique.
Dans une étude publiée dans la revue Cell Metabolism, des scientifiques apportent un éclairage inédit. Une quarantaine de jeunes hommes ont suivi deux régimes successifs : l’un riche en aliments ultra-transformés, l’autre basé sur des produits peu ou non transformés. Deux sous-groupes ont été formés ; l’un recevant les deux régimes en quantité modérée, adéquate pour leur âge, leur poids et leur niveau d’activité physique, l’autre recevant les deux régimes en excès de calories de 500 kcal par jour. Dans chaque groupe, la quantité de calories du régime ultra-transformé et celle du régime peu transformé était la même. Ce protocole expérimental permettait de dissocier l’effet de la surconsommation de calories de celui du régime lui-même.
Les résultats sont préoccupants : le régime ultra-transformé, à quantité calorique identique et consommé de façon modérée, a entraîné une prise de poids, une augmentation de la masse corporelle, ainsi qu’une augmentation du ratio LDL/HDL, un indicateur du risque cardiovasculaire. Certains changements hormonaux ont aussi été observés, comme la baisse de deux hormones impliquées dans le métabolisme et la fertilité masculine (respectivement l’hormone GDF-15 et la FSH). La qualité du sperme a également eu tendance à se détériorer, avec une baisse du nombre de spermatozoïdes mobiles.
La piste des perturbateurs endocriniens
La complexité des procédés industriels, l’ajout d’additifs et la multiplication des étapes de préparation des aliments ultra-transformés, accroissent mécaniquement le risque de contamination par des polluants industriels. Ces substances pourraient jouer un rôle dans les effets délétères des aliments ultra-transformés sur la santé. Dans cette étude, la mesure de polluants et pesticides dans le sang et le liquide séminal des participants révèle des changements dans les taux de lithium sanguin et d’un plastifiant (le phtalate cxMINP), un perturbateur endocrinien, qui se trouve en quantité plus élevée dans le sang et le liquide séminal après le régime ultra-transformé.
Cette étude met en lumière le rôle de l’alimentation ultra-transformée sur la santé du système reproducteur masculin, possiblement via l’action de perturbateurs endocriniens. Elle établit que la quantité de calories consommée n’est pas le seul facteur responsable de ces effets délétères et renforce l’idée selon laquelle la nature ultra-transformée des aliments est une dimension nutritionnelle à part entière.

Figure : Les participants du groupe recevant leurs repas contenant une quantité de calories adéquate par rapport à leurs besoins énergétique (groupe Quantité de calories adéquate) ou les participants du groupe recevant leurs repas contenant quotidiennement 500 kcals supplémentaires à leur besoin énergétique (groupe Surconsommation de calories) ont des réponses physiologiques similaires aux régimes peu- et ultra-transformés : Dans les deux groupes, comparé au régime peu transformé, le régime ultra-transformé est associé à des niveaux moins élevés des hormones FSH (Follicle Stimulating Hormone) et testostérone, une quantité moins importante de spermatozoïdes, une masse grasse plus importante, un rapport LDL/HDL plus élevé, moins de lithium et davantage de phtalate dans le sang et le liquide séminal.
En savoir plus : Jessica M. Preston, Jo Iversen, Antonia Hufnagel, Line Hjort, Jodie Taylor, Clara Sanchez, Victoria George, Ann N. Hansen, Lars Ängquist, Susan Hermann, Jeffrey M. Craig, Signe Torekov, Christian Lindh, Karin S. Hougaard, Marcelo A. Nobrega, Stephen J. Simpson, and Romain Barrès. Effect of ultra-processed food consumption on male reproductive and metabolic health, Cell Metabolism (2025) https://doi.org/10.1016/j.cmet.2025.08.004
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