Quatre lauréats INSB du prix « Les grandes avancées françaises en biologie »

Distinctions

Le 28 juin 2022, « Les grandes avancées françaises en biologie » (prix dotés par la Fondation Mergier Bourdeix) de l’Académie des sciences a récompensé six jeunes chercheurses et chercheurs, auteurs d’avancées scientifiques majeures en biologie en 2021 ou 2022 dont 4 biologistes rattachés à l'Institut des sciences biologiques (INSB).

Découvrez une courte présentation des travaux ci-dessous des quatre jeunes chercheuses et chercheurs lauréats du prix "Les Grandes Avancées Françaises en Biologie".

Source : Académie des sciences

Eugenio AZPEITIA - Laboratoire reproduction et développement des plantes

Le chou-fleur ou comment la persévérance d'une plante à vouloir faire des fleurs produit une étonnante structure fractale
 

Le chou-fleur est l’une des formes végétales les plus remarquables avec un aspect fractal extrêmement frappant. Comment des modifications d’une tige fleurie peuvent donner naissance à une telle structure restait un mystère. En combinant modélisation mathématique et biologie végétale, nous avons compris comment la perturbation du réseau génétique normalement destiné à faire des fleurs parvient à générer des choux : les bourgeons destinés à devenir des fleurs n’atteignent jamais leur but et se retransforment en tiges. Le chou se forme suite à cette réaction en chaîne qui provoque un amoncellement de tiges sur des tiges. Notre travail a montré que la brève incursion des bourgeons dans un état floral affecte profondément leur fonctionnement et leur permet, contrairement aux tiges normales, de pousser sans feuille et de se multiplier quasiment à l’infini. Nous montrons que la forme très caractéristique du chou romanesco peut s'expliquer par le fait que la production des bourgeons par les tiges va en s’accélérant (alors que la production se fait à rythme constant chez le chou-fleur classique). Cette accélération confère un aspect pyramidal à la structure globale et à chacune de ses composantes et fait ainsi apparaitre clairement l’aspect fractal de la structure. Cette étude illustre comment la domestication des plantes a profondément modifié leur forme pour donner les fruits et légumes de nos étals.

AZPEITIA E, TICHTINSKY G, LE MASSON M, SERRANO-MISLATA A, LUCAS J, GREGIS V, GIMENEZ C, PRUNET N, FARCOT E, M KATER M, DESMOND B, MADUEÑO F, GODIN C, PARCY F. Cauliflower fractal forms arise from perturbations of floral gene networks. (2021) Science https://dx.doi.org/10.1126/ science.abg5999

Mélanie RICH - Laboratoire de recherche en sciences végétales

Une symbiose plante-champignon à l’origine de la colonisation du milieu terrestre
 

La plupart des plantes modernes établissent une relation mutuellement bénéfique avec des champignons du sol dite symbiose mycorhizienne. Grâce à leurs partenaires, les plantes ont accès à des ressources minérales et hydriques éloignées, via un réseau de filaments fongiques qui forme un prolongement de leur système racinaire. Utilisant des outils génétiques chez des plantes actuelles, nous avons démontré que cette symbiose ainsi que les mécanismes moléculaires mis en jeu sont similaires chez des espèces très différentes. Cette similarité suppose que ces mécanismes ont été hérités de leur dernier ancêtre commun, une lignée qui a émergé du milieu aquatique il y a 450 millions d’années. Ainsi, cette extension fongique aurait également aidé ces premières plantes terrestres, tout juste sorties de l’eau et sans structures adaptées à l’exploration des sols, à survivre et à s’adapter à ce nouvel environnement.

RICH* M, M.K., VIGNERON* N, LIBOUREL C, KELLER J, XUE L, HAJHEIDARI M, RADHAKRISHNAN G.V, LE RU A, DIOP S.I, POTENTE G, CONTI E, DUIJSINGS D, BATUT A, LE FAOUDER P, KODAMA K, KYOZUKA J, SALLET E, BECARD G, RODRIGUEZ-FRANCO M, OTT T, BERTRAND-MICHEL J, OLDROYD, G.E.D, SZÖVENYI P, BUCHER M, DELAUX P-M. (2021) Lipid exchanges drove the evolution of mutualism during plant terrestrialization. Science 372, 864–868. https://doi.org/10.1126/science.abg0929
*Co-premiers auteurs

Paul FRÉMONT - GENOSCOPE

Une biogéographie du plancton au XXIème siècle : un océan d’ADN sous changement climatique
 

Le plancton marin est composé de communautés très complexes de virus, procaryotes (bactéries et archées), eucaryotes unicellulaires (microalgues) et pluricellulaires (zooplancton) et a un rôle clé sur les écosystèmes de notre planète. Entre autres, il participe à la séquestration du carbone anthropique via la “pompe à carbone biologique”. Ainsi, comprendre comment ces communautés sont organisées est une question scientifique majeure, renforcée par le changement climatique mais encore non résolue.
A partir de séquençage d’ADN de plancton prélevé par l’expédition Tara Oceans sur une centaine de sites, nous avons découvert que les océans sont partitionnés en “provinces climato-génomiques” caractérisées par des espèces signatures.
Selon le scénario de changement climatique sévère RCP8.5, vers 2100, les provinces seront réorganisées sur 50% des aires marines étudiées, la plupart seront déplacées vers les pôles et les provinces tempérées seront rétractées au profit des tropicales. Il en résulte des modifications de composition des communautés et une diminution de 4% de la pompe à carbone biologique. Une telle diminution amplifierait le réchauffement climatique.

FRÉMONT P, GEHLEN M*, VRAC M, LECONTE J, O. DELMONT T, WINCKER P, IUDICONE D, JAILLON O*. Restructuring of plankton genomic biogeography in the surface ocean under climate change. (2022) Nature Climate Change 12, 393–401. https://doi.org/10.1038/s41558-022-01314-8
*Co-directeurs

Guilherme NADER - Institut Pierre Gilles de Gennes et Institut Curie

La perte de l’intégrité de l'enveloppe nucléaire conduit à la métastase des cellules tumorales
 

Le tissu qui entoure une tumeur la confine physiquement et limite la prolifération et le pouvoir invasif des cellules tumorales. Les cellules qui sont capables de coloniser d’autres tissus ont donc réussi à dépasser ces contraintes physiques. L’invasion des cellules est souvent limitée par la taille des trous qui existent dans la matrice qui les entoure. Cela est dû à la rigidité du corps cellulaire, et en particulier celle du noyau, qui contient l’ADN. Notre recherche sur les mécanismes qui permettent aux cellules cancéreuses de déformer leur noyau nous a amenés à découvrir que l’enveloppe du noyau est une structure fragile, que la cellule en migration casse et répare fréquemment. Ces cassures de l’enveloppe s’accompagnent de cassures de l’ADN, lui aussi réparé efficacement par la cellule. Nous voulons comprendre le lien qui existe entre la déformation du noyau des cellules qui migrent dans les tissus et la cassure de leur ADN, et les conséquences pour les cellules de ces dommages qu’elles s’infligent à elles-mêmes et qui sont le prix à payer pour pouvoir migrer dans un tissu dense. Nous avons identifié une protéine qui est capable de casser l’ADN après la rupture du noyau dans le contexte du cancer du sein. Ces cellules deviennent plus agressives et invasives. Les cellules tumorales les plus agressives ont la capacité de s’infiltrer dans les tissus pour produire des métastases. Notre étude a permis de proposer des moyens de moduler la cassure de l’ADN et par conséquence de spécifiquement prévenir que les cellules dont les noyaux se déforment et se rompent puissent envahir les tissus sains.

NADER G P.F, AGÜERA-GONZALEZ S, ROUTET F, GRATIA M, MAURIN M, CANCILA V, CADART C, PALAMIDESSI A, RAMOS R.N, SAN ROMAN M, GENTILI M, YAMADA A, WILLIART A, LODILLINSKY C, LAGOUTTE E, VILLARD C, VIOVY J-L, TRIPODO C, SCITA G, MANEL* N, CHAVRIER* P, PIEL* M. Compromised nuclear envelope integrity drives TREX1-dependent DNA damage and tumor cell Invasion. (2021) Cell 184, 1-17. DOI: 10.1016/j.cell.2021.08.035

*Co-derniers auteurs