Un complexe de protéines sucrées régule la migration cellulaire développementale et cancéreuse

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

La migration cellulaire orientée est un phénomène majeur de l’organogenèse qui repose sur des interactions multiples, finement contrôlées mais encore largement méconnues, entre récepteurs cellulaires et signaux environnementaux. Ces mécanismes sont souvent exploités ou contournés dans les pathologies cancéreuses. Les récepteurs UNC relaient les actions de plusieurs ligands extracellulaires et contribuent à la migration neuronale au cours de la formation du cerveau. Une nouvelle étude révèle les détails structurels d’une interaction entre UNC et le morphogène Glypican 3 (GPC3), dont les partenaires déjà connus exercent des fonctions clefs au cours du développement. Dans une étude publiée dans Cell, les scientifiques ont pu décrypter sa contribution grâce à des outils ciblant spécifiquement cette interaction et dans deux contextes biologiques très différents, la migration des neurones au cours du développement cérébral et celle de cellules de neuroblastome, un cancer développemental du système nerveux périphérique.

Des scientifiques ont identifié comment deux protéines différentes, Unc5 et GPC3, agissent ensemble pour guider les mouvements des cellules. Une étude détaillée de la manière dont les protéines Unc5 et GPC3 s'associent à l'aide des sucres qu'elles portent à leur surface a été menée à l'aide d'une technique appelée cristallographie des protéines aux rayons X. Elle a été complétée par des simulations de dynamique moléculaire pour caractériser finement les acides aminés clefs des interfaces protéiques. Ces études ont révélé une organisation octamérique, dont le cœur du complexe formé de 4 molécules UNC5 en agencement antiparallèle est entouré par 4 molécules de GPC3. Ces analyses ont permis la production d'outils sophistiqués pour étudier la biologie de ces protéines. En introduisant de petits changements dans les protéines et à l’aide de petits anticorps ou nanobodies, capables de réduire ou d’augmenter l’interaction UNC5-GPC3, les scientifiques ont pu manipuler spécifiquement la formation du complexe Unc5-GPC3, sans affecter les autres interactions contractées avec les autres partenaires de ces protéines. La surprise est venue lorsque les scientifiques ont observé à l’aide de ces outils que les protéines Unc5-GPC3 dirigent les cellules en migration dans deux contextes biologiques totalement indépendants : lors de la formation du cerveau et lors de la propagation des cellules cancéreuses. ils ont ainsi mis en évidence que la vitesse de migration des neurones embryonnaires était modifiée, ce qui perturbait le développement du cerveau. Les scientifiques ont mis en œuvre un modèle de xénogreffes de cellules tumorales de neuroblastome dans l’embryon aviaire, pour étudier l’interaction GPC3-UNC5. ils ont montré que cette interaction module les contacts des cellules malignes entre elles lorsque celles-ci sont en mouvement et leur capacité à migrer pour former la tumeur primaire. Les chercheurs ont conduit une analyse bioinformatique des données d'expression dans des cohortes de tumeurs d’enfants atteints de neuroblastome et retrouvé les partenaires dans les cellules tumorales et leur stroma.

Les résultats de cette étude démontrent comment ce système moléculaire peut être utilisé par différentes cellules dans des contextes aussi bien physiologique que pathologique. Ils illustrent l’importance des caractérisations structurales pour générer des outils ciblant des interactions particulières entre protéines et leur potentiel thérapeutique dans la lutte contre des maladies associées, telles que le cancer.

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©Valérie Castellani

Figure : de la structure moléculaire aux fonctions biologiques
Panneau de gauche : à l’échelle moléculaire, structure octamérique du complexe UNC5-GPC3, avec 4 molécules UNC5 en alignement antiparallèle (représentées en jaune et vert) entourées par 4 molécules de GPC3 (représentées en bleu). Panneau du milieu : à l’échelle cellulaire, le complexe régule le mouvement de différents types cellulaires. Panneau de droite :  à l’échelle de l’organisme, l’interaction contribue au développement du cerveau. Elle est également exploitée par un cancer dérivé de cellules embryonnaires qui forment le système nerveux périphérique.

Pour en savoir plus : 
GPC3-Unc5 receptor complex structure and role in cell migration
Akkermans O, Delloye-Bourgeois C, Peregrina C, Carrasquero-Ordaz M, Kokolaki M, Berbeira-Santana M, Chavent M, Reynaud F, Ritu R, Agirre J, Aksu M, White ES, Lowe E, Ben Amar D, Sofia Zaballa Z, Huo J, Pakos I, McCubbin PTN, Comoletti D, Owens RJ, Robinson CV, Castellani V, del Toro D, Seiradake E.
Cell, 13 octobre 2022. https://doi.org/10.1016/j.cell.2022.09.025

Contact

Valérie Castellani
Directrice de recherche CNRS
Matthieu Chavent
Chercheur CNRS

Laboratoires

Mécanismes en sciences de la vie intégrative - MeLiS (Université Claude Bernard Lyon1/CNRS/Inserm)
Institut NeuroMyoGène, Faculté de Médecine et de Pharmacie - 3ème étage
8 avenue Rockefeller
69008 Lyon

Institut de pharmacologie et biologie structurale - IPBS (Université de Toulouse - Paul Sabatier/CNRS)
Université de Toulouse - Paul Sabatier
205 route de Narbonne
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