Le goût de se tenir debout !

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Le développement d’une posture verticale requiert le recrutement des motoneurones spinaux innervant les muscles antigravitaires. Les scientifiques ont découvert que l’activation du canal ionique « Trpm5 » au niveau des motoneurones de la moelle épinière, est indispensable à l’acquisition du tonus postural. Ainsi, ce canal habituellement associé à la perception du goût, nous aide à nous tenir debout. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.

Contrairement aux reptiliens qui se déplacent le plus souvent le corps en contact avec le sol, la plupart des mammifères terrestres possèdent une posture érigée nécessitant une contraction soutenue des muscles pour s’opposer à la pesanteur. Il est de coutume d’attribuer l’origine de ce tonus postural à une commande en provenance des centres moteurs supérieurs tels que le cerveau. Pour autant, les motoneurones de la moelle épinière, responsables de la sortie motrice du système nerveux, sont dotés de propriétés électriques qui amplifient et prolongent les informations qu’ils reçoivent. L’une d’elles est une propriété dite « bistable ». Elle se caractérise par une activité intense, de longue durée, déclenchée par une brève excitation du motoneurone. A l’instar d’une pression exercée sur un interrupteur pour allumer la lumière durablement, le motoneurone recevant une brève commande motrice restera actif. Bien que l’état bistable des motoneurones ait été décrit il y a près de 40 ans, son rôle dans le contrôle moteur reste méconnu.

Pour tester l’hypothèse d’un rôle dans le maintien du tonus postural, les scientifiques ont développé diverses approches génétiques, électrophysiologiques, computationnelles et comportementales. A l’échelle de la cellule, ils démontrent que l’état bistable des motoneurones résulte d’une cascade d’évènements. L’excitation du motoneurone engendre une entrée d’ions calcium qui à leur tour agissent sur les récepteurs à ryanodine pour libérer le calcium contenu dans le réticulum endoplasmique. En forte concentration, le calcium active des canaux perméables au sodium dont l’ouverture dépolarisa le motoneurone pour in fine entretenir l’entrée calcique. Ainsi cette boucle d’évènements, auto-entretenue, est à la base de l’état bistable du motoneurone. Les chercheurs ont identifié le canal Trpm5 comme le substrat moléculaire du courant sodique calcium-dépendant. En son absence les motoneurones bistables disparaissent et une parésie des membres s’installe rendant impossible le développement d’une posture érigée. Ainsi, le tonus postural est intimement associé aux propriétés électriques bistables des motoneurones. L’étude permet une meilleure compréhension des mécanismes neurophysiologiques de la posture. Elle apporte notamment une nouvelle vision des mécanismes cellulaires impliqués dans la bistabilité des motoneurones en montrant le rôle déterminant du canal Trpm5 dans la fonction posturale. Cette avancée scientifique pourrait permettre de mieux comprendre l’étiologie de certains déficits moteurs et ouvrir la voie à de nouvelles thérapies visant à les réduire.

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© Benoît Drouillas, Rémi Bos, Frédéric Brocard.
Figure : Bistabilité du motoneurone. A droite : Représentation schématique des mécanismes ioniques impliqués dans la bistabilité des motoneurones lombaires. Cav (canaux calciques) ; RyR (récepteurs à ryanodine du reticulum endoplasmique) ; Trpm5 (canal sodique activé par le calcium) ; depol (dépolarisation). Au milieu : illustration de l’état bistable du motoneurone qui se caractérise par le passage d’un état de repos à un état activé à la suite d’une brève excitation. A droite : illustration du déficit postural des membres postérieurs chez une souris n’exprimant pas le canal Trpm5 (photo du bas) en comparaison avec un animal normal (photo du haut).

Pour en savoir plus :
Trpm5 channels encode bistability of spinal motoneurons and ensure postural control of hindlimbs in mice.
Bos R, Drouillas B, Bouhadfane M, Pecchi E, Trouplin V, Korogod S, Brocard F.
Nat Commun. 24 novembre 2021
https://doi.org/10.1038/s41467-021-27113-x

Contact

Frédéric Brocard
Chercheur CNRS à l'Institut de neurosciences de la Timone (INT)

laboratoire

Institut de neurosciences de la Timone (CNRS/Aix-Marseille Université)
Campus santé Timone
27 boulevard Jean Moulin
13385 Marseille Cedex 5