De Bactéries et d’Art

Résultats scientifiques Microbiologie

Colonisatrices de tout espace et toute espèce, les bactéries sont nos compagnes et meilleures ennemies. Un territoire neuf s’offre à elles : la création artistique. De la restauration de fresques à la question de notre identité, les artistes conversent et composent avec elles. Ils font de leur flagelle un pinceau, de leur phototaxie un mobile et de leur trace l’écho d’échanges. Leurs œuvres pourront-elles inspirer nos recherches ? Cette revue de Environ Microbiol Rep. nous raconte les multiples rencontres entre Art et Microbiologie.

« Les bactéries sont partout ! » Cet émerveillement, enthousiaste mais inquiet, ne surprend plus personne. Les bactéries sont appelées à la rescousse pour digérer nos excès et, de la dépollution aux nouvelles énergies, nous serions heureux de leur confier notre avenir.  Mais sait-on que « les bactéries sont partout y compris dans l’Art » ? C’est l’histoire des liens entre Art et Microbiologie que ce travail s’efforce de résumer, tout en questionnant la nature - décorative ou créative - de l’Art Microbien.

Fleming, le découvreur de la pénicilline, fût le premier, à s’amuser de la couleur des bactéries, pour composer des figurines empruntant autant à l’Art naïf qu’aux activités récréatives des crèches d’enfant.

Quelques décennies plus tard, émue et déstabilisée de se savoir constituée pour moitié de cellules bactériennes, Sonja Bäumler partait à la recherche de son « Autre bactérien » en se couchant dans une boite de Pétri de 2 mètres de long.

Entretemps, une bactérie sulfato-réductrice était réquisitionnée pour aider à la restauration des fresques italiennes ou espagnoles en facilitant la dégradation de colles et de matrices protéiques employées lors de précédents traitements ou en éliminant des sels de nitrate ou de sulfate accumulés par la pollution atmosphérique.

Des murs dégradés de la Domus Aurea de Rome, Patrizia Albertano, une biologiste romaine, et l’artiste allemand Edgar Lisner isolèrent Leptolyngba, la cyanobactérie fautive, à laquelle ils firent redessiner une évocation des fresques qu’elle avait dégradées.

De la ligne L du métro de New York, Craig Ward fit du « socio-démo-graphisme » avec sa vision microbiologique des voyageurs tandis que F.J. Lapointe de l’Université de Montréal construisait une série d’auto-portraits métagénomiques après avoir serré des milliers de main.

De décoratif et ludique, l’Art bactérien est devenu un mode de création, de questionnement et d’invention. Les artistes s’inspirent des découvertes des microbiologistes et en interrogent les prolongements philosophiques, historiques, esthétiques, poétiques, mais aussi politiques. Les kits de E. coli « surproducteur » s’exposent à côté de lapins verts dans les expositions sur le transhumanisme.  Des créations engageant artistes et (micro)biologistes se créent dans les grandes capitales et des départements de BioArt ouvrent dans les universités.

La Biologie s’est souvent tournée vers l’Art pour exposer les images du vivant. Aujourd’hui l’Art se tourne vers la Biologie pour dire le vivant imaginé. Les bactéries, parce qu’elles offrent à l’artiste la possibilité de jouer avec le mouvement, le changement, les couleurs et les formes, apparaissent comme de précieuses collaboratrices. Ce sont ces rencontres d’un nouveau type que cet article s’attache à résumer, et ainsi inviter les microbiologistes à regarder du côté du monde de l’Art pour découvrir d’autres exploitations, perceptions et interprétations du monde bactérien !

 

Image retirée.
Figure : Restauration de fresque par Pseudomonas stutzeri. Détail de la fresque de l’église Saint Nicolas et Saint Pierre de Valence (Espagne), avant (à gauche) et après (à droite) traitement par la bactérie P. stutzeri. Pour plus d’informations voir Bosch-Roig P, Regidor JL, Montes R, Soriano P, Roig P; 2015. IRP-UPV. Remerciements sont dus à Professeur Bosch-Roig.

© P. Bosch-Roig

 

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Contact

Frédéric Barras
Professeur à l’Institut Pasteur