Hommage à Françoise Poirier

Hommages

C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de notre collègue Françoise Poirier, survenu le 3 mars 2018, des suites d’une longue maladie.

Françoise démarre sa carrière dans le laboratoire du Docteur Georges Calothy à l'Institut Curie sur le campus d'Orsay. Elle y étudie les propriétés mitogènes du virus du sarcome de Rous (RSV) dans les cellules de neurorétine d'embryons de poulet. Elle montre en particulier que le pouvoir mitogène du RSV peut être dissocié de son pouvoir transformant et décrit une première analyse des relations entre la structure et les fonctions du gène src. Après sa thèse soutenue en 1984, elle rejoint le laboratoire de Peter Rigby au National Institute for Medical Research à Mill Hill en Angleterre où elle élabore un projet ambitieux visant à isoler des gènes spécifiquement exprimés dans les cellules souches embryonnaires. Ce travail lui permet d'identifier, en particulier, les gènes codant pour H19 et la lectine à affinité pour le lactose L-14 (plus tard appelée Galectine-1), sur lesquels porteront l'essentiel de ses futurs travaux. En 1989, Françoise part à New York pour rejoindre l’équipe qu'Elizabeth Robertson vient juste de monter à Columbia University. Son projet est d’y poursuivre l’étude des gènes qu’elle a identifiés à Mill Hill. Elle y réalise l’inactivation de la L-14 par recombinaison homologue mais l’absence apparente de phénotype est d’abord une déception. Au début des années 90, Françoise se rapproche de la communauté de glycobiologistes des équipes de Sam Barondes, Hakon Leffler et Doug Cooper à San Francisco. Ils décident ensemble de revoir la nomenclature des lectines à affinité pour le lactose et de les baptiser « Galectines », une appellation officialisée par une lettre publiée dans Cell en 1994.

A son retour en France en 1992, Françoise rejoint l’Institut Cochin où elle monte une équipe dans l’unité dirigée par Jacques Jami. L’équipe de Françoise caractérise l’expression des Galectines au cours du développement embryonnaire chez la souris, et démontre que chaque tissu exprime au moins une Galectine. L’équipe produit aussi des lignées mutantes pour d'autres Galectines qui vont, avec la lignée mutante initiale, constituer des outils précieux pour la communauté scientifique internationale, dans des champs de recherche allant de la biologie du développement à l’immunologie ou la cancérologie. En 2001, Françoise rejoint l’Institut Jacques Monod. Ses travaux ainsi que ceux de ses collaborateurs vont faire peu à peu émerger une image des Galectines agissant en régulateurs subtils de divers processus extracellulaires, nucléaires ou intracellulaires. Les lignées mutantes des Galectines que Françoise a générées sont toujours activement utilisées en recherche. Elle a modifié notre façon d’envisager le phénotypage des mutants de souris. Son rôle fondateur et fédérateur, qui a contribué à un accroissement exponentiel des connaissances du mode d’action de ces lectines, lui vaut une reconnaissance internationale.

Françoise laisse à tous ceux qui ont eu la chance de la rencontrer le souvenir d’une gentillesse et d’une générosité sans limite. A la fois enthousiaste et discrète, attentionnée et réservée, elle aura été pour beaucoup un mentor inoubliable, une collègue et une amie irremplaçable, une scientifique obstinée, passionnée.