La recette génétique des pois rouges ou noirs de la coccinelle
Tous les enfants –comme les adultes- se sont posés la question : qu’est-ce qui distingue les coccinelles noires à pois rouges des coccinelles rouges à pois noirs ? Une étude parue dans la revue Current Biology apporte une réponse génétique à cette question. Des variations dans la régulation d’un seul gène dessinent les différents motifs de coloration qui décorent les élytres des « bêtes à bon Dieu » au sein des populations naturelles.
Certaines ont les élytres noires avec deux gros points rouges, d’autres, possèdent en plus deux petits points rouges vers l’arrière, d’autres encore sont décorées d’une douzaine de petits points. A l’inverse, d’autres coccinelles ont les élytres rouges, ornées d’une vingtaine de points noirs. Toutes ces coccinelles arlequin (ou asiatiques), bien que très différentes d’aspect extérieur, et facilement distinguables les unes des autres, appartiennent pourtant à la même espèce Harmonia axyridis. L’existence de formes distinctes (ou discrètes) au sein d’une même espèce est un phénomène très courant chez les insectes, et qui se manifeste souvent par des motifs de coloration variés. Les coccinelles, et en particulier les coccinelles arlequin, sont des championnes de la discipline, avec plus de 200 formes de coloration décrites dans les populations naturelles à travers le monde.
Ces variations de coloration ont une origine génétique, c’est à dire qu’au sein de l’espèce, des variations génétiques entre individus confèrent différents motifs de coloration. Chez la coccinelle arlequin, on sait depuis les années 1950 que toutes les différentes formes de couleur résultent de variation d’une seule région du génome, mais on ignorait précisément laquelle.
En comparant le génome de coccinelles arlequin de différentes formes de couleurs au sein de plusieurs populations naturelles, réparties aux quatre coins du monde, les chercheurs ont identifié cette région du génome associée à la variation de coloration. De la même manière que des gènes responsables de maladies peuvent être identifiés chez l’homme en comparant les génomes de patients et d’individus sains, les chercheurs ont identifié le gène responsable des variations de formes de couleurs chez la coccinelle arlequin.
Ce gène, nommé pannier, est activé pendant le développement des coccinelles, en particulier dans les élytres au moment de leur formation. Plus précisément, le gène pannier s’active dans différentes populations de cellules de l’élytre, autant de territoires cellulaires qui préfigurent exactement là où la pigmentation noire apparaitra chez l’adulte. Ainsi les différentes formes de couleur de la coccinelle arlequin trouvent leur origine génétique dans des variations de l’activation spatiale d’un seul gène, pannier, qui orchestre ainsi la mise en place des différents motifs de coloration des élytres.
Ce travail, qui est le fruit d’une collaboration entre des chercheurs du Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP) de l’INRA et de l’Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM) du CNRS, illustre de quelle manière des variations d’activation, et donc de régulation, d’un seul gène peuvent générer une infinie diversité de motifs colorés, et autant de formes discrètes dans les populations naturelles.

© B. Prud’homme & J. Yamaguchi
En savoir plus :
The Genomic Basis of Color Pattern Polymorphism in the Harlequin Ladybird.
Gautier M, Yamaguchi J, Foucaud J, Loiseau A, Ausset A, Facon B, Gschloessl B, Lagnel J, Loire E, Parrinello H, Severac D, Lopez-Roques C, Donnadieu C, Manno M, Berges H, Gharbi K, Lawson-Handley L, Zang LS, Vogel H, Estoup A, Prud'homme B.
Curr Biol. 2018 Aug 20. pii: S0960-9822(18)31068-6. doi: 10.1016/j.cub.2018.08.023. [Epub ahead of print]