Les pili de type IV comme cibles d'une nouvelle stratégie thérapeutique contre le méningocoque

Résultats scientifiques Microbiologie

Malgré les traitements antibiotiques, les maladies infectieuses causées par des bactéries pathogènes invasives, telles que Neisseria meningitidis (méningocoque) responsable de méningites et de chocs septiques, restent souvent mortelles ou associées à de lourdes séquelles cognitives ou physiques. Les chercheurs ont identifié une famille de composés ciblant un facteur de virulence majeur, les pili de type IV, présents chez un grand nombre de bactéries pathogènes. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour la prise en charge des infections bactériennes, en complément des antibiotiques.

Malgré les avancées remarquables liées à l’emploi des antibiotiques, leur action parfois incomplète et certains effets parfois délétères ont donné lieu ces dernières années à de nombreuses recherches pour améliorer le traitement des maladies infectieuses. Parmi les cibles bactériennes potentielles, les pili de type IV semblent particulièrement prometteurs. Ces fibres exprimées à la surface de la bactérie sont retrouvées chez de nombreux pathogènes. Elles présentent un nombre étonnant de propriétés (motilité bactérienne, adhésion aux cellules humaines, remaniement génomiques, etc) qui sont essentielles au pouvoir pathogène.

La bactérie Neisseria meningitidis (méningocoque) peut être la cause d’infections peu fréquentes mais fulgurantes, notamment une méningite et le purpura fulminans. Malgré un traitement antibiotique rapide, ces pathologies peuvent évoluer vers un décès rapide ou une invalidité permanente. Alors qu’ils résident habituellement de manière asymptomatique associés à la muqueuse du nasopharynx humain, les méningocoques peuvent exercer leur pouvoir pathogène lorsqu’ils atteignent la circulation sanguine. Les pili de type IV sont essentiels dans la progression vers la maladie car ils permettent aux méningocoques d’adhérer et de coloniser les vaisseaux sanguins de différents organes tels que la peau, le foie, les reins ou le cerveau. Ceci conduit rapidement à des lésions vasculaires, à une coagulation intravasculaire disséminée et à une inflammation aiguë qui peuvent évoluer vers une nécrose cutanée et une défaillance multiviscérale, potentiellement mortelles.

Les chercheurs ont identifié une famille de composés qui induisent la perte rapide des pili de type IV, altérant ainsi leurs fonctions pathogènes, à commencer par l'adhésion aux cellules endothéliales humaines. Le méningocoque étant un pathogène strictement humain, les chercheurs ont utilisé un modèle de souris greffées avec de la peau humaine, qui permet de reproduire les lésions purpuriques observées chez les patients infectés. Ils ont montré que ces composés exercent un solide effet protecteur contre les atteintes cutanées observés au cours de la méningococcémie, en diminuant la colonisation des vaisseaux humains par les méningocoques circulants et en prévenant les lésions vasculaires, la coagulation intravasculaire et l'inflammation aigüe. Une baisse de la mortalité des animaux infectés est alors observée. Surtout, utilisés en association avec des antibiotiques, ces composés réduisent la gravité des lésions cutanées. Ce travail montre donc que le ciblage des pili de type IV constitue une stratégie de traitement efficace contre les infections invasives à méningocoque.

Les molécules identifiées appartiennent aux phénothiazines, une famille de composés déjà utilisés en médecine humaine dans le traitement de troubles psychotiques. Parmi ces molécules, 60 ans d’utilisation thérapeutique chez l’homme ont montré que la thioridazine est bien tolérée. Bien qu’il soit à ce stade encore trop tôt pour prédire, à partir d’études sur la souris, l’efficacité de la thioridazine chez l’homme, les données obtenues suggèrent fortement qu’elle pourrait améliorer le pronostic des infections invasives à méningocoques. Plus généralement, des pili de type IV étant également retrouvés chez d’autres bactéries pathogènes telles que Pseudomonas aeruginosa, leur ciblage représente une stratégie séduisante pour le traitement d’infections systémiques dues à d’autres pathogènes.

En conclusion, la découverte de l’effet positif des phénothiazines sur l’évolution d’infections systémiques habituellement graves comme les infections invasives à méningocoque ouvre de nouvelles perspectives pour la prise en charge des infections bactériennes invasives, en complément des antibiotiques. Les composés présentés dans cette étude ont fait l’objet de deux brevets.

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Figure : Vaisseaux humains de derme non infectés (a) infecté par N. meningitidis (b) ou infecté puis traité à la thioridazine (c). La paroi du vaisseau apparait en rouge (collagène IV), les bactéries sont marquées en vert, un thrombus apparait en rose (marquage des plaquettes) et les noyaux cellulaires sont marqués en bleu (DAPI).

© Marion Le Bris & Sandrine Bourdoulous

 

Pour en savoir plus :

Targeting Type IV pili as an antivirulence strategy against invasive meningococcal disease.
Denis K, Le Bris M, Le Guennec L, Barnier JP, Faure C, Gouge A, Bouzinba-Ségard H, Jamet A, Euphrasie D, Durel B, Barois N, Pelissier P, Morand PC, Coureuil M, Lafont F, Join-Lambert O, Nassif X, Bourdoulous S.

Nat Microbiol. 2019 Mar 25. doi: 10.1038/s41564-019-0395-8. [Epub ahead of print]

Contact

Sandrine Bourdoulous
Chercheuse CNRS à l'Institut Cochin
Xavier Nassif
Enseignant chercheur à l'Université Paris Descartes