Le taux de génome intégré du VIH prédit la progression vers le SIDA

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

La présence de cellules infectées contenant le génome viral intégré du VIH au génome cellulaire (forme provirale) représente l’obstacle majeur à son éradication. Les antirétroviraux induisent le contrôle de la multiplication du virus mais ne permettent pas d’exciser ces provirus, particulièrement stables au sein des cellules infectées et persistant au long cours dans tout l’organisme. Cette étude, publiée dans la revue Ebiomedicine, montre qu’en début d’infection, les formes provirales sont relativement peu fréquentes, puis deviennent progressivement majoritaires aux dépens des génomes viraux non intégrés en l’absence de traitement antirétroviral. Le taux de ces formes virales intégrées s’avère être le véritable moteur de l’infection et être prédictif du risque de progression de la maladie.

Grâce à l’accès aux collections de prélèvements cellulaires des cohortes nationales PRIMO et SEROCO de l’Agence Nationale de Recherches sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS) et aux données recueillies, les chercheurs montrent que dans les cellules sanguines prélevées au moment de la primo-infection VIH, le génome viral rétro-transcrit sous forme d'ADN VIH est majoritairement composé de formes virales labiles, non intégrées au génome cellulaire. Dans les trois premiers mois de l’infection, la proportion de formes intégrées stables et persistantes est faible, de l'ordre de 12%. La proportion de ces formes augmente progressivement pour atteindre 65% dans les 3 à 12 mois qui suivent la contamination, chez des personnes non traitées. De plus, l’étude montre qu’en l’absence de traitement, les réservoirs viraux continuent d'augmenter dans les six années suivantes. Le niveau de cet ADN VIH intégré, variable selon les patients, se révèle être un marqueur très prédictif de l'évolution rapide vers le SIDA (risque relatif ajusté aRR : 2,63), indépendamment du niveau de réplication virale.

Ces résultats permettent de proposer un modèle d'évolution de la composition virale des réservoirs et de montrer que les traitements tardifs ne peuvent pas avoir un très grand impact sur les formes intégrées très nombreuses. A l'inverse, les traitements initiés dès la primo-infection ont un fort impact, en bloquant l’implantation de ces formes virales intégrées stables et l’établissement des réservoirs cellulaires, protégeant ainsi l’atteinte du système immunitaire. Ces données renforcent la nécessité d’un dépistage précoce de l’infection pour permettre un accès rapide aux antirétroviraux aux personnes vivant avec le VIH.

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© Véronique Avettand-Fenoel
Figure : Modèle de la dynamique des différentes formes d’ADN VIH dans le sang.
En l’absence de traitement antirétroviral, l’ADN VIH total augmente rapidement après la contamination pour atteindre un pic pendant la primo-infection. Les formes intégrées du génome viral sont minoritaires à ce stade. La proportion de formes intégrées augmente dans les mois suivants pour devenir majoritaires. Pendant la phase chronique, les niveaux d’ADN VIH total et d’ADN VIH intégré continuent d’augmenter progressivement.
Le traitement antirétroviral est d’autant plus efficace pour réduire la taille des réservoirs qu’il est initié précocement, quand l’ADN VIH est majoritairement sous forme labile.

 

En savoir plus
Increasing contribution of integrated forms to total HIV DNA in blood during HIV disease progression from primary infection.

Trémeaux P, Lenfant T, Boufassa F, Essat A, Mélard A, Gousset M, Delelis O, Viard JP, Bary M, Goujard C, Rouzioux C, Meyer L, Avettand-Fenoel V; ANRS-SEROCO and PRIMO cohorts.
EBioMedicine. 2019 Feb 22. pii: S2352-3964(19)30088-X. doi: 10.1016/j.ebiom.2019.02.016.

 

Contact

Véronique Avettand-Fenoel
Chercheuse Inserm à l'Institut Cochin