Le ciblage d’un virus développé en thérapie du cancer élucidé à l’échelle atomique

Résultats scientifiques Biochimie-biologie structurale

Les adénovirus causent des maladies qui peuvent s’avérer parfois fatales. En les modifiant, ils peuvent également devenir de redoutables tueurs de cellules cancéreuses. Les adénovirus sont à ce jour les vecteurs les plus utilisés dans les essais cliniques chez l’homme. Les chercheurs viennent d’élucider par cryo-microscopie électronique le mécanisme permettant à des adénovirus de se fixer à la surface des cellules. Ces résultats, publiés dans la revue Nature Communication, pourraient ouvrir la voie au développement de vecteurs anti-tumoraux de nouvelle génération.

Plus de 60 sérotypes d’adénovirus (Ad) sont connus chez l’homme. S’ils sont capables de provoquer différents types de maladies comme des gastro-entérites ou des conjonctivites, la plupart d’entre eux possèdent un tropisme respiratoire. Dès l’enfance ou l’adolescence, nous avons tous été infectés par plusieurs sérotypes d’adénovirus soit de façon symptomatique (pneunomies, pharyngites) soit parfois de façon asymptomatique. Même s’ils ne représentent pas à proprement parlé un problème de santé publique majeure, plusieurs sérotypes comme l’Ad3, Ad7 Ad11 et Ad14 (objet de cette étude) ont pu être responsables de décès chez des recrues militaires aux Etats-Unis ou plus récemment dans un centre de réhabilitation dans le New Jersey où 11 des 35 jeunes patients sont décédés d’une infection à Ad7 fin 2018.

A côté de ce pouvoir pathogène, les adénovirus sont les vecteurs les plus utilisés dans les essais cliniques chez l’homme. Leur succès réside essentiellement dans leur utilisation comme virus oncolytiques.  Pour cela, les adénovirus sont modifiés pour se répliquer uniquement dans les cellules cancéreuses qu’ils vont lyser. Ce traitement est déjà approuvé en Chine dans certaines indications et de nombreux essais cliniques sont en cours aux Etats-Unis et en Europe représentant un grand espoir dans les nouvelles stratégies anti-tumorales.

Tout virus a besoin d’entrer dans une cellule pour se répliquer, l’attachement des virus à des récepteurs présents à la surface des cellules représente donc une étape clé de l’infection. Il avait été montré que certains adénovirus (Ad3, Ad7, Ad11 et Ad14) utilisaient la desmogléine 2 (DSG2) pour se fixer et entrer dans les cellules. Restait à comprendre à l’échelle moléculaire, comment la fibre des adénovirus (une protéine allongée en forme d’antenne présentes à 12 copies par virus) interagissait avec la DSG2.

Il y a encore peu de temps, résoudre la structure atomique d’un complexe de petite taille (le complexe fibre/DSG2 ne fait que 96kDa) paraissait inenvisageable. Les derniers développements technologiques du microscope Krios ont permis de montrer que cette barrière était franchissable. Les chercheurs ont résolu la structure de ce complexe à l’échelle atomique ce qui permet de visualiser les résidus de la fibre et la DSG2 qui sont impliqués dans l’interaction. Ils ont ainsi pu montrer qu’une mutation ponctuelle entrainant le changement d’un acide aminé (aspartate 261) dans les fibres des adénovirus était suffisante pour totalement abolir sa fixation sur ce récepteur. Les retombées de ces découvertes sont de deux ordres. D’une part,

la compréhension des mécanismes d’attachement des adénovirus à la DSG2 ouvre deux perspectives : d'une part envisager le dessin rationnel d’inhibiteurs de ces virus pathogènes, d’autre part améliorer le  ciblage des adénovirus oncolytiques vers les tumeurs.

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Figure : La structure atomique de l’interaction entre la fibre de l’adénovirus de sérotype 3 et le récepteur DSG2 (en orange) vient d’être résolue en cryo-microscopie électronique.

© Pascal Fender

 

Pour en savoir plus

Cryo-EM structure of adenovirus type 3 fibre with desmoglein 2 shows an unsual mode of receptor engagement
Vassal-Stermann E, Effantin G, Zubieta C, Burmeister W, Iséni F, Wang H, Lieber A, Schoehn G, Fender P. 

Nat Commun. 2019 Mar12;10(1)1181 doi:10.1038/s41467-019-09220-y

Contact

Pascal Fender
Chercheur CNRS à l'Institut de biologie structurale (IBS)