Des chiens entraînés révèlent que les crises d’épilepsie sont associées à une odeur spécifique

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

L’odeur corporelle peut changer en lien avec des pathologies mais rien de tel n’est connu pour les crises d’épilepsie. Les chercheurs révèlent, grâce à des chiens entrainés, l’existence d’une « signature olfactive » des crises d’épilepsie, générale à différents patients et types de crise. Ceci ouvre d’importantes perspectives pour la détection des crises.  Cette étude a été publiée dans la revue Scientific Reports.

Hippocrate, dès l’Antiquité, avait déjà noté que certaines maladies étaient associées à des changements d’odeur corporelle, mais de tels changements n’ont été caractérisés que récemment pour des cancers, du diabète ou des dysfonctionnements rénaux.  Des technologies (« nez électroniques ») ont été développées pour détecter ces odeurs mais à ce jour, ils sont surpassés par l’odorat très développé des chiens, particulièrement s’ils sont entraînés à cet effet. 

En raison de sa grande variabilité, due aux caractéristiques individuelles et aux multiples causes et symptômes possibles, l’épilepsie reste une maladie pour laquelle aucun « marqueur général » n’a été proposé ou détecté. La prédiction des crises est pourtant un enjeu crucial pour cette maladie neurologique (la troisième en prévalence), afin de permettre aux patients de se mettre en sécurité avant l’arrivée de la crise. La première étape pour atteindre ce but est donc de tester la possibilité d’un marqueur de crise généralisable à divers patients et divers types de crises.

Dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire et internationale, des chercheurs en éthologie et de services médicaux français et américains, soutenus par l’association Handi’chiens et la Fondation Adrienne et Pierre Sommer, ont testé l’hypothèse qu’il pouvait exister une « odeur de crise », c’est-à-dire un marqueur olfactif de cet état temporaire. Ils se sont appuyés sur les capacités olfactives déjà bien démontrées de chiens entraînés (à la détection d’odeurs en général) et testé les réactions de ces chiens à des odeurs corporelles d’une même personne pendant ou hors crise (repos, activité sportive…), ou des odeurs corporelles prélevées pendant une crise chez différentes personnes présentant des crises de causes et symptômes différents. Ainsi, à chaque essai, les chiens étaient confrontés à 7 réceptacles dans lesquels se trouvait un coton porteur d’odeur corporelle (une différente par réceptacle). Le comportement des chiens a été observé et a révélé que, dès le premier essai, tous passaient plus de temps à explorer le réceptacle avec l’odeur de crise, et ce de façon répétée au cours des essais successifs et quel que soit le patient donneur.  La « sensibilité », c’est-à-dire le nombre de « réponses » (se figer devant le réceptacle) à l’odeur de crise, et la « spécificité », c’est-à-dire la proportion de non-réponses aux odeurs hors crise, étaient particulièrement élevées : 67 à 100 % et 95 à 100% respectivement, des performances égales ou supérieures aux résultats obtenus dans des études sur d’autres pathologies. 

Cette étude montre que des chiens sont capables de discriminer les odeurs corporelles d’un même patient prélevées lors d’une crise de celles prélevées hors crise, mais aussi de généraliser entre les odeurs de différents patients en crise. Il s’agit donc de la première démonstration de l’existence d’une « odeur de crise », d’une « signature olfactive » des crises d’épilepsie, généralisée à différents patients et à des épilepsies de causes et symptômes différents.

Cette découverte ouvre des voies prometteuses pour cette pathologie très invalidante, avec comme prochaines étapes l’identification des composants, et à terme la possibilité de détection des crises avant leur survenue, via des « nez électroniques » ou des chiens d’assistance.

figure_catala
Figure : Chien dans la tâche de discrimination d’odeurs, avec un exemple d’une des multiples configurations possibles. AC = odeur recueillie en activité calme, S = odeur recueillie en contexte d’activité physique modérée, C = odeur recueillie en contexte de crise.

© Jennifer Cattet

 

Pour en savoir plus :

Dogs demonstrate the existence of an epileptic seizure odour in humans
Catala A, Grandgeorge M, Schaff, J-L Cousillas H, Hausberger M, Cattet J.

Scientific Reports, 28 mars 2019. DOI : 10.1038/s41598-019-40721-4

 

Ressources supplémentaires :

vidéo

Les causes et les symptômes de l'épilepsie sont d'une grande variabilité. La communauté scientifique pensait donc qu'il ne pouvait pas y avoir de marqueur commun aux crises épileptiques. Grâce à des chiens de refuge entraînés, une étude pilotée par des scientifiques rennais est parvenue à démontrer qu'il existe une odeur spécifique à des crises d'origine et d'expression variables. Publication dans Scientific Reports (03.2019).

© Université de Rennes 1

Audiodescription

Contact

Martine Hausberger
Chercheuse CNRS à l'unité Ethologie animale et humaine (EthoS)
Amélie Catala
Doctorante à l'unité Ethologie animale et humaine (EthoS)
Marine Grandgeorge
Enseignante chercheuse à l'Université Rennes 1 et à l'unité Ethologie animale et humaine (EthoS)