L’extrusion des cellules remodèle leur tissu d’origine

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Les tissus sont formés essentiellement de cellules épithéliales formant des monocouches. Au cours du développement, les cellules peuvent parfois quitter ces monocouches par un processus appelé transition épithélio-mésenchymateuse. Ce processus correspond à l’extrusion d’une cellule hors du tissu et à sa transformation en cellule migratrice. Une étude parue dans la revue Nature Communication montre qu’en s’extirpant de cette monocouche, les cellules peuvent déformer leur tissu d’origine, participant ainsi activement au remodelage tissulaire au cours du développement.

L’extrusion cellulaire ou transition épithélio-mésenchymateuse est un processus essentiel à la formation de nombreux tissus au cours du développement où elle coïncide bien souvent avec un changement de forme du tissu. Elle est aussi responsable de la formation de métastases, cellules cancéreuses qui vont quitter la tumeur primaire et potentiellement aller former de nouveau foyer tumoraux. De nombreuses études portant sur ce mécanisme cellulaire fondamental ont permis d’identifier les signaux permettant à aux cellules de survivre en dehors d’un épithélium et d’acquérir des propriétés migratrices. Toutefois, le potentiel impact de l’extrusion des cellules sur leur tissu d’origine n’avait jamais été abordé.

Dans cet article, les auteurs, en combinant des approches expérimentales (imagerie rapide sur tissu vivant et micro-dissection laser) avec une approche théorique de modélisation, identifient pour la première fois cette extrusion cellulaire comme un acteur essentiel au changement de forme tissulaire chez la drosophile, grâce à leur impact mécanique sur leur environnement.    

Ils ont pu montrer que les cellules en cours d’extrusion forment une structure contractile d’acto-myosine et génèrent une force de traction. Cette force déforme ces cellules et leurs voisines, et est à la fois nécessaire et suffisante pour induire un changement de forme dans un tissu. En effet, lorsque l’extrusion est induite dans un groupe de cellules au sein d’un tissu naïf, les forces de traction générées entrainent la formation d’un pli suffisamment stable pour rester visible après le départ des cellules extrudées. Réciproquement, lorsque l’extrusion cellulaire survient de façon naturelle comme au cours de l’invagination du mésoderme, ces forces sont nécessaires à l’invagination du tissu.

Finalement, par l’élaboration d’un modèle théorique bio-physique, ils ont pu mettre en évidence l’importance de la force de traction exercée par les cellules en cours d’extrusion dans la formation d’une invagination par rapport à d’autre type de forces identifiées jusqu’alors. Ces travaux permettent également de potentiellement généraliser les données observées dans des tissus de drosophile à tout type de tissu épithélial.    

L’ensemble de ces travaux a permis de montrer que lorsque des cellules épithéliales s’apprêtent à quitter un épithélium pour devenir migratoire, loin d’être expulsées sans laisser de traces, ces cellules participent activement au changement de forme de ce tissu. Ce travail révèle ainsi un tout nouveau rôle de la transition épithélio-mésenchymateuse comme nouvel acteur mécanique dans la morphogenèse tissulaire.

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Figure : Schémas représentant les différentes étapes de la transition épithélio-mésenchymateuse ou extrusion au niveau cellulaire (en haut) et son rôle dans la génération de force de traction lors de changement de forme tissulaire (en bas).

© Magali Suzanne, CBI Toulouse

 

Pour en savoir plus :

Mechanical impact of epithelial-mesenchymal transition on epithelial morphogenesis in Drosophila.
Gracia M, Theis S, Proag A, Gay G, Benassayag C, Suzanne M.
Nat Commun. 2019 Jul 4;10(1):2951. doi: 10.1038/s41467-019-10720-0.

Contact

Magali Suzanne
Chercheuse CNRS au Laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire du contrôle de la prolifération (LBCMCP) du CBI - (CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier)
Corinne Benassayag
Enseignante-chercheuse au Laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire du contrôle de la prolifération (LBCMCP) - (CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier]
Guillaume Gay
Entrepreneur indépendant à Morphogenie Logiciel (32 110 St Martin d’Armagnac, France)